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Histoires Web dimanche, juillet 7
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Une lacune est en train d’être comblée concernant la diffusion en France de l’œuvre de Shinji Somai, révélation de la scène japonaise des années 1980, mort prématurément en septembre 2001 à l’âge de 53 ans. Après la découverte émerveillée de Déménagement (1993), petite sensation de l’automne 2023 dans le circuit du répertoire (15 000 spectateurs tout de même sur une combinaison de 13 copies), le distributeur Survivance surenchérit avec le Typhoon Club (1985), autre film majeur, le seul de son auteur à avoir déjà fait l’objet d’une timide sortie française l’été 1988, et présenté aujourd’hui en copie restaurée.

Typhoon Club est un autre portrait cyclothymique de la jeunesse selon Somai, creusant plus avant cette idée, très présente chez lui, que l’adolescence entretient un rapport privilégié avec la mort, et que devenir adulte, c’est refouler en soi cette puissante tentation du néant. Le film s’attache à un groupe de lycéens de la lointaine banlieue de Tokyo, obligés de passer toute une nuit dans l’enceinte de l’établissement à cause d’une tempête. Si l’argument fait inévitablement penser au Breakfast Club de John Hughes sorti la même année, Somai ne le voit pas d’un œil aussi réconciliateur. Au modèle américain, il apporte une réponse incroyablement plus âpre, qui montre de l’adolescence le visage tourmenté, inquiet et mutant.

Extraordinaire cinéaste « climatique »

La première partie du film dévolue aux prémices du typhon dépeint la vie scolaire aux prises avec une atmosphère de plus en plus épaisse, écrasante. Quelque chose semble se détraquer sous l’influence du baromètre. Surviennent, ici ou là, des pertes de conscience (un petit nageur trop chahuté à la piscine par une bande de copines), des soubresauts anarchiques (un cours de maths virant au pugilat), voire des accès de violence gratuite (en chimie, un garçon jette de l’acide dans le dos d’une fille). Somail se révèle, une fois de plus, un extraordinaire cinéaste « climatique », sachant accorder les élans désordonnés de ses personnages aux variations extérieures. À l’image de cette jeune fille qui, sur le chemin de l’école, s’effondre sur le bitume, en une splendide contre-plongée qui la cerne de toute l’étendue d’un ciel menaçant, avant de prendre la tangente et fuguer vers Tokyo.

L’arrivée du typhon à mi-parcours fait basculer le film dans une autre réalité, à l’instar de ces plans où les bourrasques de pluie s’abattent d’un coup, et qui changent aussitôt de tonalité. Pour la poignée de filles et garçons qui y restent enfermés la nuit, le lycée évacué devient tout autre chose : le négatif de ce qu’il est la journée, une voie d’accès vers autre chose, le lieu où peut tout à coup se libérer la part pulsionnelle de chacun, et s’exprimer les désirs de transgression. Cela peut prendre un tour rayonnant, ainsi des deux élèves lesbiennes qui ne craignent plus de s’étreindre ouvertement. Et parfois un tour oppressif et glaçant, comme cette éprouvante scène d’agression qui se produit dans une enfilade de couloirs vides, d’un garçon envers une fille inaccessible.

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