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Histoires Web mercredi, novembre 6
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Trois films français réalisés par Max Ophuls (1902-1957) retrouvent le chemin des écrans, ils ornent la trajectoire folle de ce grand cinéaste transbahuté par les secousses du XXe siècle. Né allemand en 1902 à Sarrebruck, naturalisé français en 1938, il aura tourné un peu partout en Europe, et jusqu’à Hollywood. Sans lendemain, une rareté récemment restaurée, correspond à la brève escale que fit le réalisateur à Paris entre 1938 et 1940, après avoir fui l’Allemagne à la suite de l’incendie du Reichstag, et avant de gagner les Etats-Unis. Les deux autres, Le Plaisir (1952) et Madame de… (1953), fleurons plus tardifs, dûment célébrés, appartiennent au contraire à son retour en Europe dans l’après-guerre, période faste mais de courte durée, mise en défaut par l’échec de Lola Montès (1955).

Ici rassemblées, ces trois œuvres marquent l’apogée du style d’Ophuls, dont la fibre baroque germanique trouve dans le naturalisme à la française un terreau particulièrement fertile où se transplanter. Ophuls reconstitue la France en studio, mais la démultiplie, la « renaturalise » de l’intérieur par un déluge de formes, de mouvements et de reflets. Ce faisant, il sonde la part d’irréalité dont l’expérience humaine s’entretient, l’opium des illusions, le vertige des vies brisées face à tout ce qu’elles auraient pu être.

Monde de la nuit

Sans lendemain offre déjà en ce sens un somptueux exemple. Evelyne (Edwige Feuillère, impériale jusque dans la douleur), entraîneuse dans un cabaret de Montmartre, monte de toutes pièces un dîner en trompe-l’œil, afin de faire croire à son amour de jeunesse (Georges Rigaud), de passage à Paris, qu’elle est toujours une grande dame. Peu importe si, pour ce mirage d’un soir, elle contracte une dette impossible chez un prêteur sur gage du milieu. Les apparences, seules à même de réactiver le passé, même pour un instant, en valent bien la chandelle.

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Ophuls investit le monde de la nuit comme une cage de reflets dans laquelle la vie est prise au piège, cernée par les brumes du souvenir (le récit tel une torsade baroque s’enroule autour de flash-back). Le mélodrame est soutenu par la photographie du grand Eugen Schüfftan, qui n’a pas son pareil pour strier la nuit parisienne d’une foule d’éclats troubles et d’ombres dévorantes. Le beau personnage d’Evelyne rejoint le cortège d’héroïnes ophulsiennes sur le corps desquelles l’ordre spectaculaire exerce une emprise impitoyable – la scène où accomplissant un numéro de nu, celle-ci, dissociée, semble jeter son corps en pâture au public. Prenant son reflet à témoin dans un miroir, Evelyne dit : « Ça a l’air vrai»

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