Il faut « des moyens » pour appliquer la loi plutôt qu’une « énième réforme » du droit de la peine, a estimé mardi 29 juillet Alexandra Vaillant, secrétaire générale de l’Union syndicale des magistrats (USM), au lendemain de la présentation par le garde des sceaux de son projet de réforme pénale.
« Est-ce qu’il y a un intérêt aujourd’hui à refaire une énième réforme sur une matière complexe qui n’arrête pas de changer ? Nous n’en sommes pas certains », a-t-elle déclaré sur RTL. Selon la responsable de l’USM, syndicat majoritaire, les magistrats ont « besoin à un moment d’une ligne claire, quelle qu’elle soit, pour pouvoir appliquer correctement la loi ». « Si le projet doit aboutir, il faudra prévoir des moyens pour l’appliquer correctement. Sinon, nous resterons sur un effet d’affichage », a-t-elle mis en garde.
Le ministre de justice, Gérald Darmanin, a précisé lundi devant la presse les contours du projet de loi sur une réforme pénale qu’il souhaite présenter à l’automne, qui ne contiendra que dix articles.
Multiplication des cours criminelles sans jurés
Dans ce projet de réforme, il souhaite revenir sur le principe d’aménagement obligatoire de certaines peines d’emprisonnement, réserver le sursis uniquement aux primodélinquants ou encore rétablir les peines de moins d’un mois d’emprisonnement, qui avaient été supprimées en mars 2020 lors d’une précédente réforme des peines.
Il souhaite aussi que la procédure de plaider-coupable (qui consiste à négocier la peine sans procès, comme aux Etats-Unis), aujourd’hui possible pour certains délits, soit étendue aux crimes, et veut multiplier les cours criminelles sans jurés, pour réduire les délais de jugement.
« Nous ne sommes pas suffisamment nombreux, en termes d’effectifs de magistrats et de greffiers en France, pour apporter une réponse dans tous les contentieux, qu’on soit au civil ou au pénal », a expliqué Mme Vaillant. « Il est là aujourd’hui, le problème des délais, c’est la conséquence de trente ans d’abandon de la justice par les pouvoirs publics, ni plus ni moins », a-t-elle ajouté.
La responsable a rappelé que l’USM s’était positionné contre la création d’une procédure de plaider-coupable étendue au crime, craignant notamment que la place de la victime n’y soit réduite. « Les dernières réformes faites en matière criminelle l’ont été contre l’avis de tous les professionnels, à moyens constants », a-t-elle dit. « C’est pour ça qu’aujourd’hui on est au pied du mur et qu’on se dit que peut-être on va devoir créer cette procédure qui a priori n’est pas demandée par la majorité des professionnels du droit », a-t-elle ajouté.