L’ambiance était bonne, le 15 novembre, dans la salle de conférences de la bibliothèque universitaire des sciences à l’université Claude-Bernard-Lyon-I. Des chercheuses et chercheurs francophones qui se connaissaient par des lectures ou des mails se voyaient enfin. Des sociologues, des spécialistes des sciences de l’information, des documentalistes, des scientomètres et même des juristes ou des économistes avaient été invités par Chérifa Boukacem-Zeghmouri (université Lyon-I) et Frédérique Bordignon (Ecole nationale des ponts et chaussées) pour la première réunion d’une communauté diverse contribuant au champ émergent de la métascience. Ce terme se définit comme « la recherche sur la recherche », c’est-à-dire l’exercice presque introspectif qui consiste à étudier, par des méthodes scientifiques, la manière dont les scientifiques travaillent.
Les « objets » d’études sont les chercheurs et leurs pratiques, les journaux, les publications… « C’est aussi de la recherche sur les transformations de la recherche », indique Chérifa Boukacem-Zeghmouri à propos d’un secteur socio-économique qui change à grande vitesse. Parmi ces évolutions, citons les modèles de financement (appels à projet, plutôt que subventions publiques), les modes de diffusion (les journaux sur abonnement cèdent la place à des modèles dits en accès ouvert ou open access), la science ouverte qui élargit le concept d’ouverture aux protocoles, aux données, aux codes informatiques, ou encore l’arrivée de l’intelligence artificielle…
Avec ces transformations viennent de nouvelles questions. A Lyon, plusieurs spécialistes se sont interrogés sur l’évaluation de la science ouverte. Pourquoi la quantité d’articles en accès libre a l’air de plafonner aux alentours de 60 % du total des publications ? La science ouverte favorise-t-elle la reproductibilité des résultats, conformément aux promesses ?
Des sociologues étudient la figure émergente des « détectives » de la science, spécialisés dans le signalement d’inconduites scientifiques. Un juriste doute, lui, du rattachement de cette activité à celle du lanceur d’alerte.
« Un mouvement intellectuel »
« La métascience est un mouvement intellectuel ou un domaine qui se distingue de la sociologie ou de la philosophie des sciences par son ambition de réformer les pratiques », explique Frédérique Bordignon, pour souligner l’une des différences avec la métascience ancienne, pratiquée par les sociologues ou les scientomètres notamment. Il s’agit d’aller au-delà de l’apport de connaissances, pour proposer des réformes conduisant à une science de meilleure qualité. Ces dernières années ont en effet été marquées par des questionnements profonds sur l’intégrité scientifique ou sur la « crise » de la reproductibilité, qui touchent le cœur des valeurs des scientifiques.
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