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Histoires Web mardi, septembre 9
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Livre. C’est un mot bizarroïde, dont l’initiale détonne dans la famille des sigles LGBTQIA+. Inès et Philippe Liotard, spécialistes des théories prenant pour objet le corps, le genre et la sexualité, et auteurs de Queer (Anamosa, 112 pages, 9 euros) admettent d’ailleurs en préambule du petit ouvrage combien il les a troublés. Si c’est dans cette capacité à perturber l’analyse que réside toute la force du terme, cela ne va pas sans compliquer la tâche de ce duo père-fille, qui cherche à le prendre au pied de la lettre.

Lire aussi (2005) : « Trouble dans le genre », de Judith Butler : discordance des genres, de New York à Paris

Pour y voir clair dans ce joyeux désordre, il fallait comme souvent en revenir à l’histoire. Dans la langue anglaise, queer, qui qualifie couramment tout ce qui est étrange, bizarre, tordu ou excentrique, commence à être utilisé au début du XXe siècle comme une injure à destination de celles et ceux qui transgressent les normes du genre et de la sexualité – homosexuels masculins en particulier.

Par une stratégie de retournement du stigmate, les intéressés, particulièrement aux Etats-Unis, ne tardent pas à se réapproprier l’insulte pour en faire un étendard. De l’écrivain américain William S. Burroughs (1914-1997) dans les années 1950 à la militante lesbienne chicana Gloria Anzaldua (1942-2004) dans les années 1980, « queer » devient progressivement une identité accueillante pour tous ceux dont l’apparence et les pratiques sexuelles sont jugées inconvenantes ; un refuge « où l’on peut vivre, dire et se dire ».

Déplacement radical

Mais l’année 1990 voit le mot devenir autre chose : un programme. De recherche, d’abord. Cette année-là, les universitaires américaines Teresa de Lauretis, Judith Butler et Eve Kosofsky Sedgwick jettent les bases d’un nouveau champ d’études, les queer studies, ayant pour ambition de poser un regard critique sur le genre et les sexualités – y compris gay et lesbiennes. Un programme politique, ensuite, l’éphémère collectif Queer Nation lançant une nouvelle tradition militante en revendiquant dans son « Manifeste queer » la liberté de vivre publiquement son genre.

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