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Rossolis, la « rosée du soleil » : quel nom délicat pour cette petite plante carnivore, aussi appelée « drosera », qui s’épanouit dans les tourbières ou accrochée au flanc humide des falaises. Elle le doit aux perles translucides qui ornent la surface velue de ses feuilles tout au long du jour, au lieu de s’évaporer comme la rosée matinale. De fait, ce ne sont pas des gouttes de rosée qui, suspendues à l’extrémité de fins appendices tentaculaires, reflètent les rayons du soleil, mais un film gluant sur lequel les insectes de passage restent collés comme sur un ruban attrape-mouches. Les poils qui forment ce piège se recourbent alors vers la surface de la feuille, puis le gel adhésif qu’ils sécrètent, acide et riche en enzymes de dégradation, digère les proies capturées. Les nutriments ainsi libérés sont absorbés par la plante, puis les poils se redressent jusqu’à une nouvelle capture.

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Le rossolis n’est toutefois pas le seul convive présent à ce festin, car des centaines de micro-organismes colonisent ses sécrétions digestives gélatineuses. De la même manière que notre flore intestinale contribue à la dégradation et à l’assimilation des aliments, les résultats d’analyses du microbiote obtenus chez différentes espèces de plantes insectivores depuis une dizaine d’années laissent envisager que certains microbes facilitent la digestion des proies. Une étude publiée dans le numéro d’octobre de la revue Nature Microbiology vient confirmer cette hypothèse en caractérisant le microbiote des droseras et en détaillant le rôle coopératif qu’y joue un champignon microscopique.

Coévolution ancienne

Basée à l’université de Taïwan et aidée de collaborateurs au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, l’équipe de recherche a recensé et quantifié les bactéries et les champignons hébergés par quatre espèces de droseras poussant dans leur milieu naturel, puis les a comparés aux microbes présents sur les mousses et autres plantes sauvages voisines. Parmi plus d’un millier d’espèces identifiées dans les échantillons collectés dans les trois pays, un champignon filamenteux, Acrodontium crateriforme, se démarque par sa fréquence et son abondance. La spécificité de cette association, retrouvée tout autour du monde, témoigne d’une coévolution ancienne entre ce champignon et les rossolis, unis par un bénéfice réciproque.

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Acrodontium crateriforme s’avère bien adapté à la vie dans les sucs digestifs acides des droseras, puisque sa croissance est optimale à des pH compris entre 4 et 5 [un pH inférieur à 7 est considéré comme acide]. La comparaison de son génome à celui de champignons apparentés révèle de nombreuses pertes de gènes, traces évolutives d’une spécialisation de cette espèce vers une niche écologique restreinte. Comme d’autres champignons symbiotiques de plantes, Acrodontium crateriforme a notamment perdu la capacité de dégrader la paroi des cellules végétales, pacifiant ainsi les rapports avec son hôte, dont il partage le menu ; tous deux prospèrent en effet lorsque des fourmis broyées sont mises à leur disposition comme ressources nutritives.

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