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Histoires Web mardi, août 19
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La question lui apparaît étrange. « Est-ce que tu vas bien ? », demande une amie à Isabelle Adjani. Le ton grave, inquiet même, laisse entendre qu’elle irait mal. Pourtant, oui, elle va très bien. Nous sommes en 1986. La comédienne a 31 ans, et mène une carrière reconnue et admirée, déjà auréolée de deux Césars. Si elle se porte bien, le monde autour d’elle ne tourne plus rond. A une question anodine en succèdent une autre, puis encore une autre, à chaque fois plus alarmiste, dans un dialogue surréaliste que nous restitue Adjani, comme si elle venait de l’entendre la veille :

« Es-tu au courant ?

– Au courant de quoi ?, rétorque l’actrice, agacée.

– Ce serait bien que tu sortes, on verra que tu vas bien.

– Pourquoi aurais-je besoin de montrer que je vais bien ? »

Soudain le moindre geste du quotidien se trouve frappé du sceau de l’étrangeté. L’actrice entre dans l’ère du soupçon, sans saisir ce qui pourrait la menacer, sans comprendre quelle marque d’infamie pourrait la caractériser. Au salon de coiffure Carita, alors qu’on va lui laver les cheveux, elle entend la femme à côté interroger l’employée : « Josyane, vous mettez des gants quand même ? » Au restaurant, il lui devient plus difficile de demander une cuillère et une fourchette – les toucher contaminerait le reste du service de table. « J’avais l’impression qu’on ne me voyait pas. Je sortais, je me montrais – ce que je déteste faire – et c’est comme s’il n’y avait aucun moyen d’être vue », raconte aujourd’hui la comédienne.

Avant Internet, les réseaux sociaux et les fake news, Isabelle Adjani est victime d’une rumeur monstre, l’une des plus marquantes de la fin du XXe siècle, alimentée par le bouche-à-oreille. L’actrice serait atteinte du sida, ce virus qui, depuis le tout début des années 1980, tue en majorité les homosexuels et les toxicomanes.

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