LETTRE DE BRUXELLES
C’est inédit. Depuis le 16 septembre, et la démission tonitruante de Thierry Breton, la France n’a plus de commissaire européen à Bruxelles. Stéphane Séjourné, qu’Emmanuel Macron lui a finalement préféré pour le second mandat d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, ne sera pas en poste avant le 1er décembre. Au mieux.
« Même pendant la crise de la chaise vide », quand Charles de Gaulle a suspendu la participation de la France aux réunions du conseil des ministres de la CEE, « la France avait un commissaire, même deux », comme le prévoyaient alors les traités, rappelle Laurent Warlouzet, professeur d’histoire européenne à Sorbonne Université.
Aujourd’hui, la France vit sa vie européenne de manière tout à fait normale. Le président assiste aux sommets des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres siègent aux conseils des ministres et l’ambassadeur auprès de l’Union européenne (UE) ne rate pas une réunion avec ses homologues. Mais, à la table du collège, il manque le commissaire français.
A vrai dire, le Lituanien Virginijus Sinkevicius, qui était chargé de l’environnement et des océans, et la Roumaine Adina Valean, qui s’occupait des transports, ont quitté leur poste sans avoir été remplacés. « Je n’ai pas le souvenir d’un grand pays sans commissaire », insiste un diplomate français, spécialiste des affaires européennes, qui voit dans la situation actuelle « un autre signe de la perte d’influence de la France sur la scène communautaire ».
« Période de transition »
En théorie, les traités sont clairs : un commissaire est indépendant, il ne représente pas un pays ni ne défend ses intérêts. Dans la pratique, rétorque cette même source, « le commissaire français est chargé d’une partie des intérêts nationaux. C’est la réalité ». On n’a en tout cas jamais vu un commissaire français ne pas défendre à Bruxelles les intérêts du nucléaire ou des agriculteurs.
Lorsque Thierry Breton a démissionné, la question de son remplacement, en attendant que Stéphane Séjourné lui succède, n’a pas été évoquée. Après tout, à l’Elysée, on suit de près les affaires communautaires, d’autant qu’il s’agit de ne surtout pas laisser d’espace au premier ministre, Michel Barnier. Le président et ses conseillers sont en contact régulier avec leurs homologues, tandis que la représentation permanente à Bruxelles joue son rôle de vigie. Et à la Commission, Emmanuel Macron entretient des relations suivies avec Ursula von der Leyen, qui a par ailleurs accepté de faire d’Alexandre Adam, l’un de ses anciens conseillers, son chef de cabinet adjoint.
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