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Le masque impassible qui caractérise Joël Le Scouarnec depuis le début de son procès le 24 février s’est craquelé. Pour la première fois, l’ex-chirurgien pédocriminel, jugé pour des violences sexuelles sur 299 patients par la cour criminelle du Morbihan, a laissé transparaître son émotion, mercredi 5 mars, en évoquant ses victimes.

La veille, l’accusé âgé de 74 ans a répondu sans ciller pendant plusieurs heures aux questions de la présidente Aude Buresi portant notamment sur ses carnets où il détaillait les violences sexuelles infligées à ses victimes et sa pédophilie « qui envahissait tout ».

« Je m’adresse aux victimes aujourd’hui et à elles seules. S’il y en a une seule à qui mes dépositions peuvent permettre de reprendre le chemin de la vie normale, ce serait pour moi extraordinaire », dit-il, la voix nouée.

Comprenez-vous que ce procès peut être réparateur pour elles ? demande une avocate. « Je leur souhaite », affirme Joël Le Scouarnec, avant de réprimer un sanglot. « J’ai compris… “Tu as été un violeur” : je ne pouvais pas me reconnaître avec ce terme », se souvient le médecin, le visage devenu rouge, la voix nouée.

Il lâche son micro et s’affaisse dans son box.

« Je ne veux plus de mensonges, je ne veux plus rien cacher », affirme l’accusé, revendiquant sa « sincérité ».

« Un homme sous hyper contrôle »

Une sincérité mise en cause par Me Francesca Satta, assise en face de Joël Le Scouarnec. « J’ai du mal à croire à la crédibilité de ses larmes, à cet accusé qui se décompose mais qui aussitôt redevient un homme sous hyper contrôle », déclare-t-elle à l’Agence France-Presse.

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Dans des fichiers saisis lors d’une perquisition en 2017, Joël Le Scouarnec a écrit in extenso le récit de viols, agressions sexuelles et attouchements sur des enfants de son entourage et ses patients, souvent mineurs, quelque 300 victimes dont l’âge moyen est de 11 ans. Ces « carnets », selon l’appellation donnée par la cour aux fichiers, détaillent de nombreux viols digitaux vaginaux et rectaux.

Si Joël Le Scouarnec s’est dit prêt à se reconnaître coupable d’une partie d’entre eux, il a de nouveau estimé mercredi que certains étaient des actes « purement médicaux » et non des viols, malgré le récit qu’il en faisait dans ses carnets. « Si je réalisais un acte médical, quand je revenais chez moi, j’y repensais mais sous une autre forme, sous une connotation sexuelle », explique l’ex-chirurgien. Il « transposait » alors le geste médical à l’écrit et y ajoutait des « fantasmes », assure-t-il.

Que vaudra la parole d’une victime qui se souvient d’un viol quand lui affirme que c’est un acte médical ? Acculé par une avocate, le médecin refuse de se « prononcer » et indique qu’il « écoutera attentivement la parole de la victime ».

Double visage

Seule une petite dizaine de ses 299 victimes sont présentes dans la salle d’audience. L’une d’elles, Amélie Lévêque, « souhaite croire » l’accusé sincère, à la veille du début des auditions des victimes – jeudi à 13 heures.

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En soirée, la présidente l’interroge sur quatre victimes de faits prescrits. « Je ne me rappelle d’aucune de ces personnes », répond d’emblée l’accusé. « C’est ignoble, je lui demande pardon », ajoute-t-il, la voix de nouveau nouée. « Je déplore cette notion de prescription. » « Je ne conteste pas » les faits, affirme-t-il cependant, mais « je ne sais pas avec précision ce que j’ai pu commettre comme acte », bien qu’ils soient décrits dans ses carnets.

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Mardi, il avait affirmé : « la seule personne qui peut vous donner des explications, c’est moi. » Des explications, la cour en avait eues concernant sa sexualité, marquée par une pédophilie qui a « tout envahi ».

Il avait aussi revendiqué son double visage. Côté pile, un « père idéal » selon son ex-épouse et « bon chirurgien » selon ses collègues. Côté face, « un pervers sans aucun état d’âme », qui a détaillé à la cour comment il ciblait un enfant laissé seul dans sa chambre d’hôpital pour commettre des violences sexuelles sur lui.

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Dans l’enregistrement d’une de ses récentes conversations téléphoniques avec son ex-épouse Marie-France versée au dossier, M. Le Scouarnec a dit avoir compris qu’« un enfant n’était pas uniquement un objet de désir sexuel ». « Trente ans de pédophilie, ça laisse une empreinte », souffle-t-il à la cour.

Déjà condamné à quinze ans de prison notamment pour le viol de sa voisine de 6 ans, il encourt désormais vingt ans de réclusion.

Le Monde avec AFP

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