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C’était la peine maximale encourue. L’ex-chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné, mercredi 28 mai, à vingt ans de réclusion, dont deux tiers de période de sûreté, pour viols et agressions sexuelles sur 299 victimes, commis entre 1989 à 2014.

« Il a été tenu compte du fait que les infractions commises par l’accusé sont d’une particulière gravité, à la fois en raison du nombre de victimes, de leur jeune âge, du caractère obsessionnel, voire compulsif, des agissements » de l’homme âgé aujourd’hui de 74 ans, a déclaré Aude Buresi, la présidente de la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, à l’issue de ce procès hors norme qui a duré trois mois.

Joël Le Scouarnec avait été arrêté en 2017. Il a déjà été condamné, en 2020, à une peine de quinze ans de prison pour des violences sexuelles sur quatre enfants. Vêtu d’une veste noire, l’homme qualifié de « diable » par l’avocat général, Stéphane Kellenberger, a écouté ce nouveau verdict debout dans le box, sans ciller. Il ne fera pas appel « pour ne pas imposer un nouveau procès aux parties civiles », a annoncé l’un de ses avocats, Me Maxime Tessier.

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Sa peine, assortie d’un suivi sociojudiciaire de quinze ans comprenant notamment une injonction de soins, inclut également une interdiction définitive d’exercer une profession médicale ou une activité en contact avec des mineurs, conformément aux réquisitions du ministère public.

« Humiliée par ce verdict »

Joël Le Scouarnec échappe, en revanche, à la rétention de sûreté, mesure qui permet de placer dans un centre un criminel présentant un risque élevé de récidive après la fin de sa peine, compte tenu de sa « volonté de réparer » et de son âge, a annoncé la présidente de la cour criminelle.

Le verdict a été accueilli par des cris « honte à la justice » dans la salle de retransmission dédiée aux victimes. Certaines, regroupées devant le tribunal, se sont prises dans les bras, en pleurs sur les marches du bâtiment. « Quelle déception », a déclaré Manon Lemoine, porte-parole d’un collectif de victimes, devant un parterre de caméras et de micros.

Egalement victime, Amélie Lévêque se sent « humiliée par ce verdict ». « On est 300 victimes. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, prononcer la rétention de sûreté ? Il en faut combien des victimes, mille ? », a-t-elle dénoncé auprès de l’Agence France-Presse (AFP).

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« Il sortira dès 2032 », selon le calcul de Me Gwendoline Tenier, en déduisant sa détention provisoire et en prenant en compte la confusion avec sa précédente peine. « Les victimes sont dans l’incompréhension et presque dans l’idée d’avoir été de nouveau abusées (…) car stratégiquement parlant, Le Scouarnec a fait exactement ce qu’il fallait. »

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« Il est inexact de dire qu’en 2032 il serait remis en liberté », a, pour sa part, opposé Me Tessier, précisant à l’AFP que « c’est la date à laquelle [sa peine] serait aménageable » et nullement « une remise en liberté automatique ».

Deux victimes mortes, l’une par overdose et l’autre par suicide

D’autres avocates de parties civiles, comme Me Cécile de Oliveira, ont salué un verdict « adapté d’une façon très fine à la situation psychiatrique de M. Le Scouarnec ». « La rétention de sûreté doit rester une peine totalement exceptionnelle, a-t-elle jugé. Tout cela apparaît complet, cohérent, précis et extrêmement adapté. »

Au long de trois mois d’audience, le septuagénaire a reconnu l’ensemble des faits, endossant également la responsabilité pour la mort de deux victimes, l’une par overdose et l’autre par suicide. Il a aussi inlassablement présenté ses excuses aux victimes, « une volonté de réparer », a argué sa défense.

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Des mots prononcés à l’identique par Aude Buresi, qui a motivé sa décision en soulignant que « Joël Le Scouarnec a tenu à répondre quotidiennement à l’ensemble des questions qui lui étaient posées (…) sans chercher à se dérober ou à éviter la confrontation. »

« Il a tenu à assumer ses actes (…) ce qui atteste de sa volonté de réparer les conséquences de ses actes », a estimé la présidente de la cour, avec une certaine émotion dans sa voix. Et « rien ne permet d’affirmer qu’il présentera à l’issue de sa peine (…) une “probabilité très élevée de récidive”. »

Impunité

Au-delà de la seule culpabilité du médecin, la cour a aussi souhaité rappeler qu’il avait agi pendant des décennies en toute impunité. « Vous avez été l’impensé du monde médical à tel point que vos confrères, les soignants, les directeurs de cliniques et d’hôpitaux, les autorités administratives et ordinales ont été incapables de faire cesser vos agissements, a dit Aude Buresi. Même ceux qui ont vu ou entendu leurs enfants parler ont été incapables d’y croire. »

Mais, a-t-elle souligné, « il serait démagogique et illusoire de leur faire croire qu’[il] est possible » que le condamné finisse ses jours en prison. « En l’état, le droit ne le permet pas. »

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Le Conseil national de l’ordre des médecins, décrié dans ce dossier, « appelle à un travail concerté avec les pouvoirs publics afin de faire émerger des actions concrètes (…) telles que la consultation systématique du bulletin n°2 du casier judiciaire et du Fijais [fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes] », selon un communiqué. « L’Ordre s’engage à faire toutes les réformes nécessaires et indispensables pour que plus jamais, un tel drame ne puisse se produire », est-il précisé.

Concernant l’indemnisation des parties civiles, une audience civile est prévue les 13 et 14 novembre.

Le Monde avec AFP

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