Le chef de l’Etat sortant de l’Equateur, Daniel Noboa, a dénoncé, mardi 11 février, de « nombreuses irrégularités » lors du 1er tour dimanche, dont le résultat officiel n’a pas encore été rendu, la mission électorale de l’Union européenne (UE) estime au contraire n’avoir pas observé « le moindre type de fraude ».
« Il y a eu de très nombreuses irrégularités, et nous sommes encore en train de compter », a affirmé M. Noboa à la radio Centro de Guayaquil, estimant qu’il avait obtenu un « meilleur résultat » dans certaines provinces que les chiffres du dépouillement officiel.
Le président sortant de 37 ans, l’un des plus jeunes dirigeants du monde, tenant d’une ligne dure face aux cartels de drogue qui gangrènent le pays, affirme qu’« il y a des dizaines et des dizaines de cas où ils ont menacé les gens pour qu’ils votent pour la Révolution citoyenne », le parti de sa rivale de gauche, Luisa Gonzalez, avec laquelle il se trouve au coude-à-coude.
« Nous avons les preuves (…) Même des électeurs recevaient des menaces de groupes armés », a-t-il insisté, indiquant que « des démarches en contestation » ont été déposées. Selon lui, « le travail [de dépouillement] n’est pas encore terminé ».
Mais le chef de la Mission électorale déployée par l’UE, Gabriel Mato, a indiqué mardi lors d’une conférence de presse à Quito n’avoir « pas un seul élément objectif indiquant qu’il y a eu le moindre type de fraude ». Tout comme la Mission électorale de l’Organisation des Etats américains (OEA), qui a affirmé dans un communiqué mardi n’avoir « ni identifié, ni reçu d’indications d’irrégularités généralisées susceptibles de modifier les résultats de l’élection ». Elle a précisé que son décompte rapide « coïncide » avec les résultats officiels.
« Niveau extrême de polarisation »
M. Noboa avait déclaré durant la campagne viser une victoire dès le 1er tour. Il n’a ni célébré ni fait de déclarations dimanche soir à l’issue du scrutin qui donne une égalité technique avec Luisa Gonzalez. Avec 96 % des bulletins dépouillés mardi, M. Noboa (44,15 %) devance d’une courte tête Mme Gonzalez (43,95 %), dauphine de l’ex-président socialiste, Rafael Correa (2007-2017).
Ce score de la gauche a surpris les observateurs. « Le corréisme en sort renforcé » et dépasse pour la première fois son plafond électoral de 33 points, selon l’analyste Leonardo Laso. Pour le politologue Santiago Cahuasqui, « c’est la première fois » en cinquante ans que l’Équateur « possède un tel niveau extrême de polarisation ». M. Laso explique en partie ce résultat par la personnalité de M. Noboa. « Il manque d’empathie (…) c’est un type très froid, très bref, très sec, il ne donne pas d’interviews, il n’interagit pas avec les gens, il sourit difficilement », décrit-il.
Des électeurs rencontrés par l’Agence France-Presse (AFP) ont ouvertement dit avoir voté pour la première fois pour le parti de l’ex-président Correa, condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption et qui vit aujourd’hui en exil.
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Ces déçus, imputent par exemple au chef de l’État la crise énergétique qui a durement frappé le pays l’année dernière en raison d’une sécheresse prolongée. « La dernière partie de ma grossesse s’est passée avec des coupures de courant allant jusqu’à 14 heures par jour, c’était un véritable martyre, j’ai vécu un enfer », raconte à Guayaquil (sud-ouest) Yadira Sarmientos.
« Capturer » le vote indécis
Si M. Noboa a séduit nombre d’Equatoriens par son discours musclé, sa communication décontractée sur les réseaux sociaux ou en s’affichant en gilet pare-balles lors de spectaculaires opérations militaires anti-narco, il a perdu dans de nombreuses régions où sa politique de sécuritaire de main de fer est subie au quotidien.
Il est devancé également dans les provinces côtières frappées par la pauvreté, où le discours de « justice sociale » de Mme Gonzalez a séduit. « Le président a fait plus d’actions spectaculaires que de politiques structurelles », estime M. Laso. Pour M. Cahuasqui, « cette société exclue par la marginalité a réagi » dans les urnes.
Il s’agit dès lors pour les deux candidats de capter les votes pour le leader indigène Leonidas Iza (5,30 %) et la jeune anti-corréiste Andrea Gonzalez Nader (2,70 %), arrivés respectivement en troisième et quatrième place. Pour M. Cahuasqui, d’ici le second tour le 13 avril, « les deux candidats devront intensifier leurs stratégies pour capturer ce vote » jugé indécis.