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Sur l’échiquier de la politique camerounaise, des candidats à l’après-Biya ont commencé leur stratégie, pendant que le chef de l’Etat de 92 ans poursuit son jeu habituel, sans se soucier de ses adversaires.

Peu de temps avant l’élection présidentielle d’octobre, le président Paul Biya a connu deux défections dans ses rangs en moins d’une semaine. Bakary Issa Tchiroma, ministre de l’emploi et de la formation professionnelle, a quitté le gouvernement avant de se déclarer candidat à la présidentielle sous la bannière de son parti, le Front pour le salut national du Cameroun.

Deux jours plus tard, un ministre d’Etat et ancien premier ministre, Maïgari Bello Bouba a déclaré à son tour sa candidature. Responsable de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès – parti allié à Paul Biya – il faisait figure d’allié historique depuis près de trente ans.

Les néocandidats, tous deux bientôt octogénaires, ont certes déjà affronté Paul Biya lors d’une élection présidentielle, mais c’était il y a plus de trente ans. En 1992. Bakary Issa Tchiroma sortait alors de prison, et Maïgari Bello Bouba revenait d’exil. Après leur défaite, les deux hommes – originaires du nord du pays, traditionnellement acquis au régime – s’étaient rangés derrière le président Biya.

Election ponctuée de violences

D’après Jacques Fame Ndongo, qui dirige la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, Paul Biya aurait même « décodé, depuis belle lurette, les signes prémonitoires de ces départs, qui participent du jeu politique classique dans une démocratie libérale et avancée ». Il est au pouvoir depuis quarante-deux ans. Par ailleurs, M. Issa Tchiroma évoque publiquement une possible non-candidature de Paul Biya, dont les rumeurs sur la santé chancelante se multiplient, alors que ses apparitions publiques se raréfient.

Aujourd’hui, les conditions économiques dramatiques pourraient mobiliser les électeurs camerounais, pourtant habitués à l’apathie électorale. En 2018, seuls 3,5 millions des 6,6 millions d’inscrits ont pris part à la présidentielle, selon des chiffres de l’université de Bordeaux. Et l’élection avait été ponctuée de violences.

Lire aussi | Cameroun : face à une nouvelle candidature de Paul Biya, les doutes de la jeunesse du pays

« Les populations [du Nord] croupissent dans la misère [et une] paupérisation insoutenable. Soutenir le régime pendant autant de temps signifierait trahir ces populations qui n’ont pas d’eau, pas d’électricité, pas d’infrastructures de bien-être minimal », dit le professeur Séverin Tchokonte, de l’université de Garoua.

Retour vers l’opposition

Dans les débats politiques sur les antennes des radios et télévisions, les deux prétendants sont qualifiés de marionnettes, accusés de saper les chances de l’opposition, dont celles de Maurice Kamto, un opposant en vue du Mouvement pour la renaissance du Cameroun.

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« Maïgari et Tchiroma sont avec le RDPC depuis longtemps. Ils peuvent être dans une logique d’émiettement et d’affaiblissement de l’opposition, afin de contenir la montée en puissance du MRD de Maurice Kamto (…). Si le MRC engrange des voix dans le Nord, les choses peuvent basculer », estime le professeur Tchokonte.

Les intéressés s’en défendent. Pour réussir leur retour vers l’opposition, ils devront tenir compte de la volonté de changement qui se manifeste chaque jour au Cameroun, notamment sur les réseaux sociaux. Selon Anicet Ekane, président du parti d’opposition Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie – opposant depuis 1973 –, cette volonté est « grande et transrégionale ». « Il sera de plus en plus difficile de ne compter que sur la capacité de l’élite à passer une consigne de vote et éviter un mouvement national contre le pouvoir », assure-t-il.

Une « détermination intacte »

De son côté, le groupe des Partisans du changement du Grand Nord souhaite « fédérer toutes les énergies susceptibles de permettre au Cameroun de tourner la page » des quarante-trois ans du régime Biya. Imperturbable, le président multiplie les messages politiques de précampagne. Officiellement et conformément aux statuts de son parti, il demeure le candidat du RDPC à la présidentielle.

« Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte », déclarait-il en décembre. En février, il demandait aux Camerounais de « ne pas prêter l’oreille aux sirènes du chaos que font retentir certains irresponsables ».

Le Monde avec AFP

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