Meilleures Actions
Histoires Web vendredi, février 21
Bulletin

CANAL+ DOCS – MERCREDI 19 FÉVRIER À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE

Les premières images de ce très beau documentaire réalisé par Miriam Guttmann vont droit au but. La danse éruptive qui surgit à l’écran lors d’un spectacle chorégraphique filmé à La Haye (Pays-Bas) s’entrechoque avec des prises de vues explosives de combats en Ukraine. Sur scène, la toute nouvelle compagnie United Ukrainian Ballet, fondée, en 2022, par soixante danseurs ukrainiens accueillis à La Haye, fait corps commun dans un élan électrique.

L’art et la guerre. Un télescopage inconfortable qu’Alexis Tutunnique, premier danseur de cette troupe, résume ainsi : « Je me sens coupable depuis que la guerre a commencé. Mes compatriotes, des hommes et des femmes, sont en train de risquer leur vie et sont en première ligne pour défendre notre pays. Moi, je suis bien en sécurité à l’étranger. Ici, je danse, mais j’essaie aussi de faire avancer les choses à travers le ballet. »

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le parcours peu banal de Stanislav Skrinnik, danseur de ballet le soir et fabricant d’équipements pour l’armée ukrainienne la journée

Le quotidien de ces jeunes artistes tiraillés entre leur « ici » en sécurité et l’« ailleurs » mortellement dangereux est perturbé par les coups de téléphone avec leur famille restée en Ukraine. Le père de Vladyslav Bondar, blessé, va retourner sur le front. « Je me sens toujours coupable d’être ici, confie le danseur. Je me dis souvent que je voudrais faire la guerre. J’y pense en permanence. » Le frère de Violetta Hurko, interprète dans le corps de ballet, est lui aussi dans l’armée, mais elle ne sait pas exactement où. Elle évoque le nouveau tatouage qu’elle est en train de dessiner pour lui.

Invention et ajustement

C’est par Instagram qu’Alexis Tutunnique rencontre Oleksandr Teren Budko dit « Sasha », soldat qui a perdu ses jambes au combat : « Un homme qui a sacrifié sa vie et son corps pour protéger notre pays, notre patrie. » Il se demande ce qu’il peut faire « pour le remercier ». En tournée à Washington, au Kennedy Center, en 2022, pour Giselle, dans une chorégraphie signée Alexeï Ratmansky, il l’invite à assister à une représentation.

C’est le premier ballet auquel assiste Sasha, graphiste et barman avant le conflit russo-ukrainien, venu aux Etats-Unis se faire poser des prothèses. « J’ai été surpris lorsque les danseuses ont sauté. On dirait qu’elles s’immobilisent dans les airs. C’est sûr que maintenant la jambe me fascine encore plus qu’avant… » Devant les interprètes, il insiste sur leur mission : « Ne sous-estimez pas l’importance de ce que vous faites. Votre travail est précieux et utile pour l’Ukraine. »

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Lviv, un studio de danse offre refuge aux artistes ukrainiens fuyant la guerre

Cette rencontre donne des idées magnifiquement folles. Sasha s’initie avec la troupe aux exercices d’entraînement à la barre, découvre la technique académique et se risque à quelques ports de bras. L’envie surgit de prolonger la séance photo par une création. Ni une ni deux, une courte performance intitulée Front Row (« premier rang ») va voir le jour sous la houlette de la chorégraphe Emma Evelein.

Les répétitions se révèlent des moments épatants d’invention et d’ajustement. Le soldat impose une présence franche et un talent instinctif. A quelques jours de la première, il confie craindre de s’« écrouler pendant le spectacle, au propre et au figuré ». Sur le plateau, d’abord assis à côté de ses prothèses, puis porté par le groupe, il irradie de calme et de limpidité. Un temps suspendu dont la caméra de Miriam Guttmann saisit l’émotion pudique.

Premier rang – Danser pour résister, documentaire réalisé par Miriam Guttmann (P-B., 2023, 75 min). Chorégraphie Emma Evelein, avec Alexis Tutunnique, Oleksandr Teren Budko, Iryna Zhalovska, Violetta Hurko. Disponible jusqu’au 12 juillet 2026 sur myCANAL.

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.