Sans surprise. Le choix de François Bayrou, début février, de recourir trois fois d’affilée à l’article 49.3 pour l’adoption des projets de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 était attendu – tant par ses opposants chez les députés et par les commentateurs politiques que par le grand public, désormais accoutumé à l’emploi de ce dispositif permettant d’obtenir l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée nationale. Ponctuellement utilisé par les gouvernements de tout bord au cours de la Ve République, son usage s’est banalisé depuis les élections législatives de 2022, qui ont vu la coalition présidentielle d’Emmanuel Macron échouer à décrocher une majorité absolue au Palais-Bourbon.
Depuis le début du second mandat d’Emmanuel Macron, l’usage du 49.3 ne s’est pas contenté de s’accroître : il a changé de nature. Pensé à l’origine pour mettre au pas des composantes de la majorité ou des alliés qui seraient tentés de « fronder » et de ne pas voter une loi en les forçant à soutenir indirectement le gouvernement, cet outil est désormais employé dans un tout autre but : pour François Bayrou comme pour ses prédécesseurs Elisabeth Borne, Gabriel Attal ou Michel Barnier, il s’agit de pallier leur absence de majorité dans l’Hémicycle, en permettant au gouvernement de faire adopter des textes sans vote du Parlement.
Ce détournement de l’esprit du 49.3 a alimenté de multiples accusations de « déni de démocratie ». La dissonance entre perceptions populaires et élitaires de l’usage de cet article va en effet croissant. « Si le 49.3 est devenu un instrument comme un autre aux yeux des acteurs politiques de droite comme de gauche qui ont été amenés à gouverner ces dernières années, son utilisation est de plus en plus perçue dans l’opinion comme un “coup” démocratique, une atteinte au fonctionnement “normal” de la démocratie », analyse Olivier Rozenberg, spécialiste de sciences politiques et chercheur associé à l’université Luiss de Rome. Au point qu’il est devenu le symbole de ce que les citoyens rejettent en matière de gouvernance politique, comme en témoignent les nombreux tags et graffitis dénonçant son utilisation.
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