C’est une enclave discrète du 14e arrondissement de Paris, située non loin du parc Montsouris. Un feuilleté d’architectures d’époques différentes, petites maisons et grandes résidences, entre lesquelles s’épanouit une végétation folâtre. Aucun écran publicitaire, pas de grande enseigne franchisée, pas même une petite boutique de vapotage… Rien qui viendrait troubler l’harmonie de ce tissu hétérogène, dont l’atmosphère rappelle celle d’un roman de Patrick Modiano ou de certaines chansons de Jacques Dutronc.
Le contraste entre Le Méridien, bel immeuble des années 1960 (Arthur-Georges Héaume, Alexandre Persitz, 1968) qui file tout le long de la petite rue Emile-Dubois, et le bâtiment qui s’est récemment greffé à sa proue attrape le regard mais ne jure d’aucune manière. Au contraire, un subtil jeu de contrepoints fait dialoguer les architectures entre elles et intensifie l’expressivité de chacune.
C’est à Christelle Avenier et Miguel Cornejo, duo d’architectes franco-chilien basé à Paris, que l’on doit cette réussite. Et, à La Sirène, l’un des plus anciens orchestres d’harmonie amateur indépendant de la capitale, qui fête cette année ses 150 printemps. Propriétaire de cette petite parcelle, où le local qu’elle occupait jadis avait largement fait son temps, elle souhaitait s’offrir une nouvelle jeunesse. Un premier projet a tourné court, et c’est avec la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), bailleur social réputé pour sa sensibilité architecturale, qu’elle a imaginé celui-ci. Un immeuble qui intègre les locaux de l’association − elle paie un loyer à la RIVP dans le cadre d’un bail emphytéotique et regagnera la pleine propriété de l’ensemble dans quatre-vingt-dix-neuf ans − et une cinquantaine de logements destinés à des étudiants et des jeunes travailleurs de la fonction publique, principalement des infirmières de l’hôpital Sainte-Anne et des policiers.
Béton bouchardé
La première chose qui frappe quand on regarde le bâtiment, c’est l’extrême politesse avec laquelle il s’insère dans son environnement. La manière dont sa façade tramée, anguleuse, délicatement travaillée, prolonge la belle dynamique du Méridien ; dont son volume s’élève en une série de retraits en légères torsions, qui offrent autant de terrasses aux habitants, brisent l’effet de masse et assurent une continuité végétale avec le jardin en contrebas ; dont le béton bouchardé de granulats rouges, blancs et noirs a l’air si doux au toucher qu’on a envie de le caresser… On pense à cette phrase de Goethe, qui trouve si rarement à s’appliquer : « L’architecture, c’est de la musique figée. »
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