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Il se réveille en sursaut, sort de son lit, court dans tous les sens, supplie « Boursin ! Boursin ! »… avant d’ouvrir son frigo et de dénicher son Boursin « ail et fines herbes ». « Diffusé à 19 h 56 le 1er octobre 1968, signé par Publicis, le premier spot TV de trente secondes, d’un coût de 70 000 francs, diffusé sur l’ORTF, a bousculé, d’un coup, les réclames traditionnelles. Même si la marque Boursin était prononcée 17 fois par le comédien Jacques Duby ! », se souvient Anne Saint Dreux, fondatrice de La Maison de la pub, qui sort L’Age d’or de la pub (Editions du Rocher, 144 pages, 17,90 euros), coécrit avec l’animateur Thierry Ardisson.

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Certes, des pubs TV, les Français en voyaient déjà depuis 1959. Mais il s’agissait exclusivement d’« émissions compensées » pour les entreprises du secteur public ou les collectives, comme celle des fabricants de petits pois, incarnée par Pipiou, mi-petit pois, mi-poussin. La télévision d’alors est un service public et on se demande s’il est bien normal qu’elle soit utilisée pour aider les marques à accroître leurs bénéfices.

La France se situe aux antipodes des Etats-Unis, où les « Mad Men » de Madison Avenue se sont emparés du format TV dès le 1er juillet 1941 et l’utilisent pour promouvoir les produits de grande consommation avec un mélange réjouissant de fraîcheur et de cynisme. Le Royaume-Uni suit en 1954, tout comme l’Italie, bientôt rejoints par l’Allemagne de l’Ouest (1956), puis l’Espagne (1957)… et enfin la France.

Motion de censure

Devant l’annonce gouvernementale, la presse s’inquiète, déjà, des pertes à venir, estimées entre 15 % et 20 % de ses recettes publicitaires. Même si pour ne pas trop léser les autres médias, de nombreux produits (alcool, tabac, médicaments, édition, cinéma, disque, grande distribution, transport aérien…) sont interdits. De leur côté, les élus de gauche rejettent l’idée, relayant une partie de l’opinion publique. Une motion de censure est rédigée par le député de gauche Roland Dumas et débattue les 23 et 24 avril 1968 : l’opposition reproche au gouvernement de se saisir de la mesure pour affaiblir une presse trop antigaulliste en amputant ses recettes publicitaires.

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Mais outre ses possibles arrière-pensées politiques, le projet porté par Georges Pompidou a d’abord un objectif financier : « développer la consommation » et « apporter, grâce à la publicité des marques, 30 millions de francs net au budget annuel de l’ORTF de 1 493 millions de francs prévu pour 1969, et financé à hauteur de 82 % par la redevance audiovisuelle », selon Le Monde du 18 octobre 1968. La motion n’obtient pas la majorité absolue de 244 voix et l’introduction de la publicité à la télévision sera adoptée par règlement pendant les émeutes de Mai 68. En 2023, le chiffre d’affaires de la réclame à la télévision s’élève à 3,382 milliards d’euros, soit 23 % du marché total de la publicité.

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