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Histoires Web jeudi, octobre 30
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Coup de tonnerre à l’Assemblée : les députés ont adopté, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution du Rassemblement national (RN) visant à « dénoncer » l’accord franco-algérien de 1968, avec l’appui des groupes de la Droite républicaine et d’Horizons. Le vote a eu lieu dans le cadre de la niche parlementaire du RN, qui a la main sur l’ordre du jour de l’Assemblée nationale jeudi.

« C’est une journée qu’on peut qualifier d’historique pour le RN », s’est aussitôt félicitée la cheffe des députés d’extrême droite Marine Le Pen, soulignant qu’il s’agissait du premier texte de son parti approuvé par l’Assemblée, en dépit des oppositions de la gauche, de macronistes et du gouvernement. Si ce texte n’est pas contraignant juridiquement, sa portée symbolique et politique est haute, alors que les tensions sont toujours vives entre Paris et Alger.

Cet accord, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962), offre aux Algériens des clauses spécifiques en matière de circulation, d’immigration et de séjour en France. Il permet aux ressortissants algériens d’obtenir un titre de séjour de dix ans selon une procédure accélérée. Dans le cadre d’un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de dix ans dès leur arrivée si la personne qu’ils rejoignent possède ce titre.

Les députés RN (122 élus sur 123) et leur allié de l’Union de droites pour la République (15 députés sur 15) ont voté massivement en faveur de ce texte dénonçant cet accord. Sur les 50 élus composant le groupe de la Droite républicaine, 26 d’entre eux ont voté en faveur du texte. « Quand le RN porte des projets ou des convictions que nous partageons, il n’y a aucune raison (…) de ne pas voter ce que nous voulons pour notre pays », a justifié le chef des élus de droite, Laurent Wauquiez.

« Ils étaient où les macronistes ? »

Le texte a aussi été soutenu par 17 députés du groupe Horizons, parti d’Edouard Philippe qui s’est positionné ces dernières années contre cet accord franco-algérien. « Nous demandons cette dénonciation », a rappelé le député Sylvain Berrios, soutenant un texte présenté comme « un mandat donné au gouvernement pour qu’il fasse son travail ».

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Une position à rebours de celle de l’exécutif. Le ministre des relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a d’ailleurs fait part de son incompréhension auprès de l’Agence France-Presse (AFP). Auparavant, il avait expliqué à la tribune que Paris entendait « privilégier la voie de la renégociation dans le cadre d’un dialogue exigeant » avec Alger, car il n’y aurait « rien à gagner à une aggravation de la crise » déjà prégnante entre les deux pays.

Parti socialiste et Les Ecologistes ont avant tout critiqué l’absence de Gabriel Attal et de la majorité de ses députés. Sur 92 membres, seuls 30 députés du groupe Ensemble pour la République ont voté contre le texte, tandis que trois se sont abstenus et sept n’ont pas pris part au vote, bien que présents.

Il a, cependant, manqué des voix dans tous les groupes opposés à ce texte, y compris à gauche (52 députés de La France insoumise sur 72 ont participé au vote, 53 socialistes sur 69, 32 écologistes sur 38, 6 députés du groupe communiste et ultramarin sur 17). Douze députés MoDem ont pris part au scrutin (10 contre, deux abstentions) et trois députés LIOT sur 22 (deux pour, un contre).

« Ils étaient où les macronistes ? Gabriel Attal absent ! A une voix près, Horizons (Edouard Philippe), LR et l’extrême droite votent ensemble la fin de l’accord de 1968 avec l’Algérie », a fustigé le patron des socialistes, Olivier Faure, sur X, tandis que la cheffe de file des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a abondé devant la presse : « Cette voix qui nous a manqué pour faire face au Rassemblement national, c’est celle de Gabriel Attal. »

« Un texte raciste voté grâce à l’absence des macronistes », a ajouté la cheffe des députés « insoumis », Mathilde Panot, sur X. « Honte au RN » qui « continue sans fin les guerres du passé », a grondé également le leader « insoumis », Jean-Luc Mélenchon, sur X, tandis que Bastien Lachaud a dénoncé les « lubies racistes » et « l’obsession morbide » d’un RN qui « rejoue à l’infini la guerre d’Algérie ».

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Echec sur le retour du « délit de séjour »

L’équipe de Gabriel Attal s’est justifiée sur cette absence auprès du Monde, en expliquant que ce dernier avait une intervention au forum A World for Travel, à Paris, prévue de longue date. « L’ordre du jour de la niche du RN a changé au dernier moment, ce qui a rendu impossible la présence de Gabriel Attal puisqu’il ne pouvait pas annuler sa participation à cet événement international », justifie ainsi son entourage.

Gabriel Attal a toutefois lui-même appelé à dénoncer l’accord de 1968, en janvier, pour « poser les limites et assumer le rapport de force avec l’Algérie », notamment à l’aune de l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Mais son groupe s’affichait contre le contenu du texte du RN. Le macroniste Charles Rodwell, auteur d’un récent rapport accablant contre ce même accord de 1968, avait justifié par avance un refus, au prétexte d’un supposé vide juridique qui risquerait de « provoquer un déferlement migratoire » dans l’Hexagone, analyse dénoncée par le RN.

Dans la foulée de ce coup de théâtre, le RN a, en revanche, subi une déconvenue sur sa proposition de loi pour rétablir le « délit de séjour » pour les étrangers en situation irrégulière. L’article phare du texte a été supprimé par une coalition des voix de la gauche, de Renaissance et du MoDem, avant que le RN ne retire son texte devenu coquille vide.

« Ce texte n’apportera rien de plus en termes de pouvoir coercitif », a fait valoir le ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez. « Si on fait un référendum sur les forces de l’ordre pour savoir s’ils sont d’accord avec ça, je pense qu’on atteint 90 % », lui a rétorqué Marine Le Pen.

Le texte a reçu le soutien de LR et de quelques députés Horizons, moins nombreux que sur le texte concernant l’Algérie. Les premiers revendiquent la paternité originelle de cette mesure instaurée sous Nicolas Sarkozy et abrogée sous François Hollande. Horizons invoque de son côté la « volonté de restaurer l’autorité de l’Etat », a souligné le porte-parole du groupe, Xavier Albertini.

« La droite est aujourd’hui avec l’extrême droite, dans la même folie xénophobe et raciste », a lancé l’« insoumise » Danièle Obono. Les macronistes ont, eux, dénoncé « l’archétype de la loi d’affichage » par la voix de Thomas Cazenave.

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Le Monde avec AFP

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