« Vendez l’Amérique. » Les soubresauts causés par les va-et-vient de Donald Trump sur les droits de douane ont provoqué un mot d’ordre hautement inhabituel à travers le monde de la finance : il faut vendre (une partie de) ses actifs américains pour ne pas trop s’exposer aux coups de tête du président américain. Dans cette logique, de nombreux investisseurs se sont séparés à la fois de leurs actions américaines, de leurs obligations américaines et de leurs dollars. Si le marché des actions a rebondi, au moins temporairement, le billet vert demeure en recul de presque 10 % face à l’euro depuis février.
Vendre l’Amérique, d’accord, mais pour acheter quoi ? La réponse est loin d’être évidente. Le Japon traîne une économie atone, la Chine n’est pas un partenaire fiable, les pays émergents sont très volatils. Théoriquement, l’Europe pourrait tirer son épingle du jeu. Elle n’est pas dynamique mais elle est riche, et l’Etat de droit y est respecté. Dans ces circonstances, l’euro, qui est la deuxième monnaie au monde, mais trois fois moins importante que le dollar, pourrait-il prendre plus d’importance ? L’enjeu est majeur : il y va de la souveraineté européenne, avec à la clé la capacité du Vieux Continent à se financer plus facilement. Au bout de la logique, il s’agit de faire basculer le « privilège exorbitant du dollar » vers un « privilège exorbitant de l’euro ».
« Il y a une opportunité qui s’est ouverte (…) mais elle ne nous sera pas offerte sur un plateau », avertissait, le 5 juin, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne. Pour profiter du chaos trumpien, explique-t-elle, l’Europe doit se réformer. Elle doit notamment réduire son principal défaut : son morcellement entre 27 pays (20 pour la zone euro).
Créer un grand marché de la dette
C’est particulièrement évident pour le volet du financement de l’économie. Là où les Etats-Unis ont 29 000 milliards de dollars (plus de 25 000 milliards d’euros) d’obligations souveraines, jugées jusqu’à récemment comme les actifs les plus sûrs au monde, l’Union européenne (UE) a 27 marchés de la dette souveraine. Celui qui est considéré comme le plus sûr de tous, l’Allemagne, s’élève à 2 500 milliards de dollars, soit presque 12 fois moins. Pour un investisseur américain ou japonais qui veut mettre son argent en Europe, cela complique l’équation. En vue de gagner son autonomie financière, l’Europe doit créer un grand marché de la dette, qui puisse faire concurrence à celui des Etats-Unis.
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