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Plus de deux ans après avoir lancé un vaste appel d’offres sur ses ressources pétrolières et gazières, la République démocratique du Congo (RDC) se résout à admettre son échec. Lundi 14 octobre, le ministre des hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a publié un communiqué actant l’annulation du processus en cours sur 27 blocs pétroliers. Les trois blocs gaziers situés sur le lac Kivu, dans l’est du pays, et dont deux d’entre eux ont trouvé acquéreur, ne sont pas concernés par la décision.

« La procédure d’appel d’offres n’a pas rencontré le succès attendu et ne permet pas à l’autorité d’attribution des droits d’hydrocarbures de présélectionner ou de sélectionner les sociétés ayant soumissionné », justifie une note d’information présentée trois jours auparavant en conseil des ministres.

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La situation brossée au terme de ces vingt-six mois au cours desquels les échéances ont été à plusieurs reprises repoussées faute de participants montre les failles d’une initiative censée rapporter à la RDC la somme mirobolante de 2 000 milliards de dollars – presque 30 fois le produit intérieur brut (PIB) du pays –, selon les chiffres avancés par le précédent ministre des hydrocarbures.

L’absence de cadre juridique clair, de données géologiques récentes permettant d’évaluer la valeur de chaque bloc, ainsi que le défaut de concurrence sont quelques-unes des raisons avancées pour expliquer la réticence des investisseurs. Sur 27 blocs, dix n’ont pas reçu d’offre et neuf que d’une seule société. Aucune major pétrolière n’a manifesté d’intérêt.

« C’est un soulagement »

Dans un rapport publié en juin, la coalition d’ONG de lutte contre la corruption Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) avait alerté sur les dérives du processus lancé en juillet 2022 et appelé le gouvernement à faire preuve de transparence. « L’annulation de l’appel d’offres est un soulagement, mais nous regrettons qu’encore une fois, les personnes qui ont engagé le pays avec une impréparation la plus totale ne soient pas sanctionnées. Notre histoire plaide pourtant pour la prudence », commente Jean Claude Mputu, porte-parole de la plateforme, invitant le gouvernement à reconsidérer sa stratégie pétrolière.

« La RDC peut-elle en même temps prétendre être un “pays solution” pour la transition énergétique mondiale [grâce à ses ressources en minerais critiques et au carbone stocké par son immense forêt] et devenir un des acteurs de la pollution ? Le pétrole est-il vraiment un investissement rentable pour notre avenir ? », interroge-t-il.

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Il n’est pourtant pas question pour le gouvernement congolais de jeter l’éponge. « La RDC se reprend et veut faire les choses bien », assure Aimé Sakombi Molendo au Monde, annonçant l’adoption prochaine d’un décret qui fixera les règles d’un nouvel appel d’offres dont le périmètre reste à déterminer. La note d’information au gouvernement évoque, parmi les « actions urgentes », « le redimensionnement des blocs arpentant les aires protégées afin de tenir compte des contraintes écologiques ».

Plusieurs blocs mis aux enchères chevauchent des parcs nationaux ou les tourbières de la Cuvette centrale, qui constituent un très important puits de carbone. La ministre de l’environnement, Eve Bazaiba, refuse toutefois de s’engager : « Nous avons besoin d’exploiter les ressources naturelles qui se trouvent sous nos pieds pour ne plus dépendre de pays qui nous vendent leur pétrole à des prix élevés et parfois de mauvaise qualité. Si certains veulent que nous y renoncions, qu’ils nous proposent une compensation financière à hauteur du manque à gagner que cela représenterait pour la RDC. Jusqu’à présent, personne ne s’est manifesté. »

Imbroglio juridique et financier

Dans la province orientale de l’Ituri, le déclassement de la partie septentrionale du Parc national des Virunga, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, reste ainsi envisagé. Car en dépit de la violence dans laquelle est plongé l’est du pays avec la reprise de la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) depuis fin 2021, l’exploitation de la zone frontalière de l’Ouganda reste une priorité affichée.

« Je me rendrai prochainement en Ouganda pour négocier un raccordement à l’oléoduc qui permet d’acheminer le pétrole extrait dans la région du lac Albert jusqu’au port de Tanga, en Tanzanie. Ce sera un argument pour attirer les investisseurs sur cette zone à haute potentialité », veut croire le ministre des hydrocarbures.

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TotalEnergies et la China National Offshore Oil Corporation (Cnooc) construisent deux sites de production dans la région du lac Albert, ainsi qu’un pipeline de plus de 1 400 km destiné à évacuer le brut vers les marchés internationaux. Ce projet fait l’objet d’une forte opposition de la part des ONG locales et internationales de défense de l’environnement, en raison de ses conséquences sur le climat et la biodiversité. Il est aussi critiqué pour son impact humain, avec plus de 100 000 personnes touchées par l’implantation de ces infrastructures.

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La frontière entre l’Ouganda et la RDC coupe le lac Albert en deux. Kinshasa cherche depuis près de deux décennies à valoriser les gisements supposés se prolonger sur son territoire, le long du grand bassin d’effondrement dit du « rift Albertin ». Deux blocs avaient notamment été attribués en 2011, dans des conditions contestées, à des sociétés détenues par l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, aujourd’hui sous sanctions américaines pour corruption. Le gouvernement congolais a récupéré en 2021 les permis de recherche arrivés à expiration sur ces deux blocs, en contrepartie d’un dédommagement de 240 millions d’euros à verser à Dan Gertler.

Cette dette – parmi d’autres – illustre l’imbroglio juridique et financier dont sont synonymes la plupart des investissements étrangers en RDC. Une réalité qui conduit la plateforme CNPAV à prédire que si le gouvernement n’assainit pas réellement sa pratique des affaires, le futur appel d’offres pétrolier connaîtra le même sort que celui qui vient d’échouer.

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