Ne la cherchez pas parmi les coureurs élites. Paula Radcliffe prendra le départ du marathon de Boston, lundi 21 avril, dans l’anonymat des 30 000 participants amateurs. La Britannique a pourtant été longtemps la référence féminine sur la distance mythique (42,195 km), détentrice du record du monde de 2003 à 2019, en 2 h 15 min 25 s.
Si elle a décidé, à 51 ans, de rechausser les baskets à Tokyo, le 2 mars 2025, dix ans après ses adieux à la compétition officielle, c’est parce qu’elle s’est lancé un ultime défi : rejoindre le club fermé des « Six Stars Finishers », les athlètes ayant bouclé les six Majeurs originels (World Marathon Majors, WMM) – Tokyo, Boston, Londres, Berlin, Chicago et New York ; depuis cette année, Sydney (Australie) s’est ajouté à cette liste.
Car aussi surprenant que cela puisse paraître, Paula Radcliffe ne dispose pas encore de ce statut, malgré ses 14 marathons disputés en carrière, dont des victoires dans la capitale britannique, l’Illinois et la grosse pomme. L’étape japonaise n’est devenue un WMM qu’en 2013, au moment où la fondeuse amorçait la fin de sa carrière, quant à celle du Massachusetts (Etats-Unis), elle « était trop rapprochée de celui de Londres », a expliqué l’intéressée au magazine Athletics Weekly.
Inspirée par le « marathon pour tous »
La championne du monde 2005, qui commente désormais l’athlétisme pour la télévision britannique, a profité d’une saison post-olympique allégée pour cocher les deux courses qui manquent à son tableau de chasse, emboîtant le pas à Joan Benoit Samuelson. L’Américaine, sacrée sur la distance aux Jeux de Los Angeles, en 1984, avait obtenu sa sixième étoile à Tokyo, l’an dernier, à 66 ans.
Paula Radcliffe explique que son retour sur le bitume a été inspiré par les JO de Paris 2024, où elle a pris part aux 10 km du « marathon pour tous ». Elle avait d’abord promis de se ménager… avant de se laisser prendre au jeu. « On avait dit qu’on allait juste faire un petit jogging parce qu’on travaillait toute la journée et le lendemain, narrait-elle sur le site Olympics.com. Mais on s’est laissé emporter par l’ambiance et on a commencé à courir beaucoup trop vite ! C’était quand même super. »
« J’ai eu 50 ans l’an dernier et j’ai réfléchi aux choses que je souhaitais encore réaliser. J’ai terminé ma carrière à Londres, en 2015, à cause d’une blessure au pied, mais j’avais la sensation qu’il me restait des choses à accomplir », a raconté la Britannique à Athletics Weekly. Paula Radcliffe a souffert toute sa carrière du pied gauche, à cause d’une fracture de fatigue de l’os naviculaire non diagnostiquée.
Le cartilage avait fini par céder peu avant les Jeux de Londres 2012, la privant de marathon olympique devant son public. « J’ai été incapable de faire même un footing léger jusqu’en avril 2013, confiait-elle au Monde, il y a dix ans. Mon pied va beaucoup mieux, mais il ne fonctionnera plus comme avant. »
Gobelets en carton et gels énergétiques
L’ex-recordwoman du monde sait qu’elle ne courra plus jamais aussi vite que par le passé. Mais, à son âge, ce n’est de toute façon pas son « grand objectif ». « Ce qui compte, c’est de participer, de cocher la case », ajoutait-elle avant le marathon de Tokyo, dont elle a franchi la ligne à la 110e place chez les dames, après 2 h 57 min 26 s de course, soit plus de quarante minutes de plus que sa meilleure référence.
Après avoir si souvent couru seule, loin devant les autres, l’expérience était forcément singulière : « Je voyais les bouteilles des élites et je me demandais si je pouvais en prendre une. Honnêtement, je n’arrivais pas à boire dans les gobelets en carton, alors je me suis arrêtée au kilomètre 25 pour me rafraîchir. C’était si difficile de repartir !, évoque la Britannique dans son podcast “Paula’s Marathon Run Club”, qu’elle anime avec Chris Thompson, vice-champion d’Europe du 10 000 m. Ce qui me faisait tenir, c’était de me dire que je ne reviendrais plus jamais ici. »
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Préparation tronquée par une vie de famille et professionnelle bien remplie, gestion (et oubli !) des gels énergétiques et autres anecdotes truculentes, Paula Radcliffe découvre en miroir la réalité des fondeurs amateurs. « C’est ce qui rend le marathon si spécial : 50 000 personnes qui vivent les mêmes expériences, qui s’entraident et qui apprennent un peu plus sur elles-mêmes », évoque-t-elle au fil de ses podcasts, tandis qu’un documentaire sur son retour sur les 42 km devrait sortir à la fin du printemps.
Rendez-vous est pris désormais sur la ligne d’arrivée à Boston, lundi 21 avril, où elle devrait décrocher la médaille des « Six Stars Finishers ». Loin de ses anciens standards, mais avec le goût de la course à pied comme étendard.