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Histoires Web mercredi, octobre 9
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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Pas un mot est le quatrième long-métrage, et le premier à sortir en France, de la réalisatrice slovène Hanna Slak, née à Varsovie en 1975 et basée à Berlin. C’est aussi le premier qu’elle tourne en langue allemande, dans un style que l’on pourrait a priori affilier à l’« école berlinoise », un mouvement apparu au tournant des années 2000, aux termes depuis bien assimilés par l’auteurisme germanique : réalisme cru, teintes froides, relations grinçantes et auscultation d’un désarroi existentiel.

C’est en des termes à peine plus feutrés que le film infiltre la relation entre mère et fils au moment où celle-ci est mise à rude épreuve. Nina (Maren Eggert), cheffe d’orchestre en vue à Munich, absorbée par la préparation d’un concert décisif pour sa carrière, est un beau jour alertée au sujet de son fils Lars (Jona Levin Nicolai). Celui-ci a chuté d’une fenêtre au lycée, de toute apparence un accident, mais qui pourrait bien recouvrir autre chose − une tentative de suicide ?

Nina laisse alors tout en plan pour emmener l’adolescent, sauf mais renfrogné, à Belle-Ile-en-Mer (Morbihan), dans une propriété jadis familiale, d’avant son divorce avec un mari français. Sous les ciels tourmentés de la côte Atlantique, la maison devient le siège d’un tête-à-tête, où la mère cherche à élucider le trouble du garçon en l’amenant à parler. Remonte alors à la surface l’objet du trauma : la mort récente d’une camarade de classe de Lars dans un incendie de poubelle.

Trame mouvante

Pas un mot se présente d’abord comme un film ayant partie organiquement liée avec la musique − et l’on se rappelle que le dernier opus d’Angela Schanelec, autre figure berlinoise, s’intitulait Music en 2021. En premier lieu, parce que Nina répète la Symphonie n° 5, de Gustav Mahler, et que de grandes phrases de la partition ne cesseront plus dès lors de scander, et de sous-tendre, le pas de deux émotionnel qui se joue sous nos yeux.

Mais le film se révèle tout aussi musical dans son traitement sonore, une fine orchestration de bruits remplace souvent les dialogues. Et ce, dès l’ouverture, où la relation mère-fils s’introduit comme une suite désaccordée d’accrocs entre personnages qui vivent sous le même toit, mais pas selon les mêmes rythmes. Les lumières mourantes de l’Atlantique, les variations du climat qui traduisent les orages intérieurs, participent, grâce à la subtile photographie de Claire Mathon, de cette trame mouvante.

Cette pente formelle, toutefois, le film ne la suit pas jusqu’au bout, et la troque dans son dernier tiers contre un substrat psychologique plus balisé. Bien sûr, comme le titre l’indique, le lieu à élucider est celui du non-dit, bientôt rempli par une parole réparatrice, et le récit précipité par un empressement à résoudre qui ne se prive d’aucun passage en force. La relation filiale en sortira intacte, restaurée, rétablie – et c’est sans doute un peu court.

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