Shana n’avait jamais imaginé quitter un jour la France, un pays auquel elle est « très attachée », « [son] » pays qu’elle « aime ». Elle n’avait jamais imaginé suivre un jour les pas de sa sœur aînée et de son grand frère, tous deux partis vivre en Israël il y a plusieurs années, une décision qu’elle n’avait jusqu’à présent « jamais comprise ». La jeune femme de 23 ans, de confession juive, étudiante en droit à Paris, accepte de communiquer son prénom, pas son nom de famille. Depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque terroriste du Hamas en Israël, « tout a changé », explique-t-elle.
Sur l’application Uber, elle s’appelle désormais Marie. Ses parents lui interdisent de prendre le métro le soir, l’appellent sans cesse dès qu’elle met un pied dehors et réclament des textos toutes les heures pour les rassurer sur sa sécurité. « Même s’il ne m’est jamais rien arrivé », concède-t-elle, depuis le 7 octobre, « l’angoisse et la peur » ont pris le dessus, « la montée de l’antisémitisme, les manifestations propalestiniennes, les discours antisémites de certains politiques de La France insoumise [LFI] et tous ceux qui y adhèrent » l’affolent. Les chiffres la paniquent : une hausse de 300 % des actes antisémites au premier trimestre 2024 par rapport à la même période l’année précédente. « Je suis psychologiquement très stressée », confie-t-elle. Au point de faire à son tour son alya, terme hébreu désignant la « montée » vers Israël. Le départ pour Tel-Aviv est prévu le 6 novembre.
Comme elle, 1 660 citoyens français de confession juive ont décidé de rejoindre l’Etat hébreu entre le 7 octobre 2023 et le 31 août (1 500 depuis le 1er janvier). C’est 50 % de plus que l’année précédente à la même période. Une augmentation à relativiser. L’année 2023 avait enregistré 1 100 départs, soit « un nombre historiquement bas, probablement le plus bas depuis la création de l’Etat d’Israël [1948] », souligne Emmanuel Sion, le directeur de l’Agence juive pour Israël en France et dans les pays francophones, organe gouvernemental israélien chargé de « permettre à tous ceux qui le souhaitent de monter en Israël ». Le nombre d’alyas devrait osciller pour l’année 2024 autour de 2 000. « Il n’y a donc pas d’explosion des départs, on revient à une moyenne normale en dehors des années qui connaissent des événements dramatiques exceptionnels », poursuit le directeur. L’année 2015 avait ainsi enregistré 7 892 départs, à la suite de l’attentat de l’Hyper Cacher.
La France fait malgré tout figure d’exception dans le monde, notamment occidental, qui enregistre une baisse globale de 42 % du nombre des alyas depuis le début de l’année. « Les Français juifs ne fuient pas la France à cause de la montée de l’antisémitisme, ils savent que la France fait beaucoup pour leur sécurité, assure M. Sion. Le 7 octobre et les mois qui ont suivi ont été un déclencheur pour ceux qui avaient déjà ce projet en tête et la France a toujours été le pays qui comptait le plus grand nombre d’alyas en Occident. »
Il vous reste 69.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.