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Histoires Web mardi, mai 13
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Alors que l’Assemblée nationale examine la légalisation de l’aide à mourir, un détail en apparence technique menace de fragiliser l’équilibre éthique de la proposition de loi : l’absence d’obligation de demande écrite de la part du patient, dès lors qu’il se sait à court terme voué à mourir – ce qui est à distinguer d’une ancienne directive éventuellement rédigée alors qu’il est en bonne santé.

En Belgique, où j’accompagne depuis plus de vingt ans des patients en fin de vie, la demande écrite est au cœur du processus. Elle ne rigidifie pas la démarche : elle en garantit la profondeur. C’est une balise. Une manière de dire : cette décision est mienne, réfléchie, et elle engage ma conscience. La parole seule ne suffit pas. Elle est, par nature, fugace, sujette à interprétations, parfois ambivalente. Elle peut se tordre sous le poids de la douleur, des affects ou de pressions diffuses, même involontaires. L’écrit, lui, fixe la volonté. Il laisse une trace. Il permet de relire, de relier. Il protège. Toutes les parties.

Prenons le cas de Clara [le prénom a été changé], une patiente atteinte d’un cancer en phase terminale. Durant plusieurs semaines, elle évoque avec moi, à voix basse, l’idée de mourir. Mais c’est le jour où elle écrit sa demande, seule dans sa chambre, que sa position s’éclaire. Le lendemain, elle me dit : « Je crois que j’ai compris ce que je veux. Ce n’est pas mourir. C’est ne plus souffrir ainsi. » Ce n’était pas un changement d’avis : c’était une clarification née de l’acte d’écrire.

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L’écrit transforme la conscience. Par-delà les directives lointainement anticipées, il est nécessaire lorsqu’on se sait condamné. Il impose un rapport à soi. Il oblige à formuler l’indicible. Cette confrontation, loin d’être une formalité administrative, devient un espace d’élaboration. Pour beaucoup, il est même un acte de soulagement : « Enfin, j’ai pu dire ce que je porte. » Pour d’autres, il est un révélateur : ce n’est pas encore le moment.

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