La toile rappelle Le Déjeuner sur l’herbe ou Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte. Comme dans les tableaux d’Edouard Manet et de Georges Seurat, chefs-d’œuvre de l’art français du XIXe siècle, l’ambiance est celle d’un bonheur bourgeois. Une famille pique-nique près d’un lac. Une petite fille joue au croquet, un garçon écoute de la musique. Ces instants de bonheur, inoffensifs, sonnent pourtant comme un message politique. Tous les personnages sont Noirs. Comme l’artiste à qui l’on doit le tableau. En 1997, quand Kerry James Marshall, né en 1955 dans l’Etat encore ségrégationniste de l’Alabama, peint Past Times, il veut faire des Afro-Américains les égaux des héros de la peinture européenne.
Ce jardin d’Eden noir de trois mètres sur quatre, sera exposé dans les plus grands musées des Etats-Unis, jusqu’au Metropolitan Museum of Art new-yorkais. Mais ce soir du 14 décembre 2019, à Los Angeles (Californie), l’œuvre sert de toile de fond à la fête des 50 ans de Sean Combs, alias Puff Daddy, P. Diddy ou simplement Diddy. Le rappeur, producteur et homme d’affaires l’a achetée aux enchères chez Sotheby’s l’année précédente, pour un montant de près de 20 millions d’euros. Un record pour un artiste noir vivant.
Sean Combs en est si fier qu’il l’a fait installer à l’entrée de son palais de Beverly Hills. Un à un, ses invités posent devant la toile. Parmi eux, les musiciens Beyoncé, Jay-Z, Pharrell Williams, Kanye West, Dr. Dre, Cardi B, Usher, Nelly et Queen Latifah, les acteurs Chadwick Boseman et Kevin Hart, le co-PDG de Netflix Ted Sarandos et le fondateur de Twitter, Jack Dorsey… Tous sont (très) riches et (très) célèbres. La grande majorité des convives sont Noirs. Ils ont été conviés à la party par un message audio enregistré par la mannequin Naomi Campbell. Le maître des lieux, en veste de smoking argentée et boutons de manchette dorés, jubile.
« Cette enquête est loin d’être terminée »
Le 4 novembre 2024, Sean Combs a passé la journée de ses 55 ans loin de ce faste, dans sa cellule du Metropolitan Detention Center, à Brooklyn, une prison new-yorkaise parmi les plus dures des Etats-Unis, où il est incarcéré depuis deux mois sous le matricule 37452-054.
Sa chute a commencé il y a un an, à la suite de la plainte déposée par son ex-compagne, la chanteuse Cassie, qui l’accuse de viol, de l’avoir contrainte à des actes sexuels avec d’autres hommes et de violences physiques continues pendant leur relation qui aurait duré du milieu des années 2000 à l’automne 2018. L’affaire s’est réglée par un accord à l’amiable mais d’autres poursuites ont suivi. Près d’une trentaine de femmes et d’hommes ont déposé plainte. Un avocat, basé au Texas, a annoncé représenter 120 personnes, dont vingt-cinq mineurs, qui s’apprêteraient à faire de même. Une vague de révélations et de témoignages s’est levée, inarrêtable.
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