
Avec ses palmiers et ses caïlcédrats, le site est l’un des rares écrins de verdure de Conakry. Un havre de paix un brin suranné, face à la mer, dont le calme tranche avec le tohu-bohu de la capitale une fois franchi son portail en fer. Au large, une épave rouillée complète ce panorama hors du temps. Depuis la terrasse et sa piscine décatie, quelques marches mènent aux trois grandes cases dites « de Bellevue ». Cette propriété fut longtemps l’une des résidences personnelles de Sekou Touré, père de l’indépendance et premier président de la Guinée, au pouvoir de 1958 à sa mort, en 1984. C’est là qu’il aimait venir se reposer et passer du temps avec ses proches. Là, aussi, que séjournaient certains de ses homologues étrangers, tels que le président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, en 1978.
Considérées comme un legs du « Grand Syli » (« éléphant », en langue soussou) à l’Etat, les cases de Bellevue ont été restituées à sa famille par le général Mamadi Doumbouya, en décembre 2021, trois mois après le putsch qui lui a permis de se hisser à la tête du pays. Quatre ans plus tard, cet ex-caporal de la Légion étrangère française, qui avait promis de rendre le pouvoir aux civils à l’issue de la période de transition, est en voie d’être élu chef de l’Etat pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Le 28 décembre, il sera candidat à une élection présidentielle dont il est déjà donné largement gagnant. Ses principaux opposants, qui l’accusent d’avoir fait taire toute voix dissidente et imposé une chape de plomb au pays, boycotteront le scrutin.
Dans la salle de réception des cases de Bellevue, un portrait du général Doumbouya trône à côté de celui de Sekou Touré. Voûtée sous le poids de ses 91 ans, Andrée Touré, la veuve de l’ancien président, réside désormais sur place mais est trop fatiguée pour recevoir et faire le tour du propriétaire. La tâche est assurée par sa nièce et gardienne des lieux, elle aussi prénommée Andrée, mais Camara. Cadre du Parti démocratique de Guinée, fondé par son défunt oncle, elle assure qu’elle et ses proches voteront Mamadi Doumbouya le 28 décembre. « Nous lui vouons une reconnaissance infinie, clame-t-elle sans ambages. Tant qu’il est là, nous le soutenons, car il est l’héritier politique de Sekou Touré. »
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