Meilleures Actions
Histoires Web dimanche, octobre 6
Bulletin

« Mesopotamia », d’Olivier Guez, Grasset, 416 p., 23 €, numérique 16 €.

Il est en France pour quelques semaines, le temps d’accompagner la parution de son nouveau livre, Mesopotamia, avant de rentrer à Rome, où il vit depuis quatre ans. De là, il n’est pas peu fier de l’annoncer, il partira ensuite enseigner un semestre à l’université américaine de Princeton, « une histoire transversale de la culture européenne ».

Dans la lignée de certaines figures qui devraient être au centre de ses cours, tels Stefan Zweig ou Joseph Roth, Olivier Guez appartient à la famille des écrivains qui ne tiennent pas en place ; on ne voit guère, dans le champ contemporain, d’auteurs français aussi porteurs d’une « vision cosmopolite du monde » que ce polyglotte (français, allemand, anglais, espagnol, italien) né en 1974 à Strasbourg, assurant n’être « jamais aussi heureux » qu’à arpenter les routes d’Europe en voiture. Dans une partie de la conversation sans rapport avec sa personnalité ou sa trajectoire, il note que ses livres ont en commun des « personnages en fuite », et il est difficile de ne pas entendre là une forme d’écho à sa propre bougeotte.

Son premier roman et unique fiction, Les Révolutions de Jacques Koskas (Belfond, 2013), drôlatico-hystérique tendance Philip Roth première manière, voyait errer son héros, d’origine juive séfarade, de l’Alsace à Paris, de Berlin à Jérusalem en passant par New York, pour échapper au destin conventionnel tracé par ses parents ; l’écrire avait constitué en soi, pour l’auteur, une sorte d’échappée, une « rupture avec [son] milieu d’origine, très fermé » – il explique avoir été « dans une école talmudique de 6 à 11 ans ».

Nouveau mouvement de fuite, mais complet changement d’ambiance dans La Disparition de Josef Mengele (Grasset, prix Renaudot 2017). Olivier Guez y livrait une restitution scrupuleuse des années passées par l’ancien « médecin d’Auschwitz », en Amérique du Sud, à échapper à la ­justice et aux chasseurs de nazis, jusqu’à mourir sur une plage brésilienne, en 1979.

Quarante hommes et une seule femme

Aujourd’hui, l’héroïne de Mesopotamia est une femme qui, aux yeux de l’auteur, « n’a pas eu d’autre choix que de prendre la poudre d’escampette » : Gertrude Bell (1868-1926). Elle a été archéologue, diplomate, espionne, et a joué un rôle majeur dans l’histoire du Moyen-Orient, dont elle a contribué à dessiner les frontières, tout en œuvrant à l’installation de la dynastie hachémite sur le trône d’Irak. Née dans une riche famille de l’Angleterre victorienne, célibataire sans perspective de mariage à la vingtaine, « elle n’a pas voulu se limiter au rôle de vieille fille, alors elle a dû partir. Elle s’est mise au persan, à l’arabe, à l’archéologie », détaille celui qui a découvert son existence en 2003, à l’époque de la guerre en Irak, avec une photo de la conférence du Caire, tenue en mars 1921 pour établir le plan du contrôle britannique en Irak et en Transjordanie. Autour de Winston Churchill posent quarante hommes et une seule femme. A l’époque journaliste à La Tribune travaillant sur l’énergie, il se demande qui elle est, ce qu’elle fait sur cette photo, et note son nom dans un calepin. Quinze ans plus tard, il lit Le Traquet kurde, de Jean Rolin (P.O.L, 2018), où Gertrude Bell apparaît au détour d’une ligne. « Je cours chez Grasset, je montre la photo du Caire et je dis qu’à travers elle je vais raconter l’histoire du Moyen-Orient. »

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.