François Bayrou a mis en chantier une réforme du mode de scrutin pour l’élection de l’Assemblée nationale afin d’adopter le scrutin proportionnel, comme le pratiquent déjà la plupart de nos voisins. Nous appartenons à des forces politiques différentes et divergeons souvent profondément au sujet de la politique menée par ailleurs par son gouvernement, mais nous approuvons ce projet. Nous sommes prêts à contribuer à le faire aboutir et nous appelons tous les démocrates à apporter leur concours à la réussite d’une telle réforme.
Depuis plusieurs décennies maintenant, le mode de scrutin majoritaire, censé apporter la stabilité au gouvernement de la France, a créé au contraire de l’instabilité. Il a permis à des courants politiques, qui demeuraient en réalité minoritaires dans le pays, de disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. De ce fait, les politiques menées par ces « majorités » successives ont suscité de fortes résistances qui ont mené quasi systématiquement à des alternances à l’issue de chaque législature. Depuis 1958, 27 premiers ministres et 45 gouvernements se sont succédé dans la France de la Ve République. Avec la proportionnelle intégrale, nos voisins allemands ont connu dans la même période 11 chanceliers et 25 gouvernements, deux fois moins.
A chaque alternance, la nouvelle « majorité » a entendu défaire de toute urgence ce que la précédente avait décidé. Cela a suscité une instabilité des politiques publiques très dommageable à la fois au développement technologique et économique, à la solution des problèmes structurels du pays et aux mutations indispensables, comme la transition écologique, qui nécessitent au contraire des investissements matériels et immatériels de long terme et donc un environnement budgétaire, fiscal, législatif et réglementaire stable et prévisible.
Pendant longtemps, un des arguments majeurs utilisés par les défenseurs du scrutin majoritaire avait été aussi sa capacité à marginaliser l’extrême droite en ne lui accordant que très peu de sièges à l’Assemblée. Cela n’a cependant nullement empêché sa montée en puissance. Et aujourd’hui la menace principale pour l’avenir de notre démocratie est bien que l’extrême droite profite à son tour de ce mode de scrutin pour obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale, bien qu’elle reste minoritaire dans le pays. Avec les institutions déséquilibrées de la Ve République, elle risquerait fort de parvenir dans ce cas à faire basculer en quelques mois la France dans le camp des régimes autoritaires.
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