LA LISTE DE LA MATINALE
De l’immobilité absolue au grand large, en passant par des souvenirs de jeunesse, les romans et essais choisis cette semaine par « Le Monde des livres » partent dans tous les sens. Au programme : un roman de Guillaume Poix sur l’univers carcéral, observé du point de vue des surveillants ; les voix du peuple Innu, une des Premières Nations du Québec, portées par l’une des leurs, Naomi Fontaine ; le mélange de nostalgie et de drôlerie irrésistible du nouveau roman de Fabrice Caro, sur une adolescence à la fin des années 1980 ; un album recueillant les photographies et les lettres de la photographe Catherine Leroy, qui, à 21 ans, était partie couvrir la guerre du Vietnam ; des textes posthumes de l’anthropologue Alban Bensa, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie et défenseur d’une « une ethnographie à hauteur d’homme ».
ROMAN. « Perpétuité », de Guillaume Poix
Perpétuité. Etrange titre pour un roman dont l’action se déroule sur une seule nuit. Etrange, certes, mais d’une logique implacable pour un ouvrage qui se déroule dans une maison d’arrêt. Comme les orphelinats ou les hôpitaux, les prisons sont des lieux où le temps n’est pas le même qu’ailleurs. Il s’y dilate, ronge les consciences, trompe les êtres, ceux qui sont incarcérés comme ceux qui les gardent. C’est à ces derniers que Guillaume Poix, 39 ans, s’intéresse dans ce quatrième roman.
La nuit, fictionnelle, de Perpétuité est riche en rebondissements. Un prisonnier célèbre fait son entrée. Un drame survient. Guillaume Poix suit une dizaine de personnages, de grades différents. Ils ont des problèmes de couple, vivent des histoires d’amour ratées, des tragédies personnelles. L’auteur plonge dans le flux de conscience de chacun d’entre eux. Sa langue est tour à tour sobre ou foisonnante, luxuriante même. Il imagine ces vies qui leur échappent.
Perpétuité est, sans aucun doute, une dénonciation de la réalité honteuse des prisons françaises. Mais le roman est, avant tout, une démonstration du pouvoir de la littérature. Celle-ci n’a pas pour unique vocation de montrer du doigt, mais bien de montrer la vie. Guillaume Poix enregistre le mouvement permanent qui agite la maison d’arrêt, prête à éclater à chaque instant dans ces établissements qui, vus de l’extérieur, ne sont que des monolithes de pierre. C. Gh.
Il vous reste 73.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.