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Retrouvez les articles de notre série « Le roman de Notre-Dame » ici.

La querelle des vitraux contemporains à Notre-Dame de Paris pourrait sans doute un jour faire l’objet d’une pièce de théâtre. Acte I, scène 1. 2019. Palais de l’Elysée. Stéphane Bern, très médiatique défenseur du patrimoine, a suivi Brigitte Macron jusqu’au bureau du général Georgelin, qui, à quelques mètres des appartements de la première dame, mène d’une main de fer et d’éructations soldatesques la reconstruction de la cathédrale. Ce jour-là, dans l’ancienne chapelle qui lui sert de quartier général, ils retrouvent l’architecte Jean-Marie Duthilleul, appelé à la rescousse pour repenser l’aménagement liturgique. Et puis, en retrait, un prêtre à la carrure de fils de paysan mosellan et au sourire jovial. Directeur de l’Institut supérieur de liturgie à « la catho », l’Université catholique de Paris, spécialiste du XIIe siècle et curé d’Evry, Gilles Drouin a été sollicité par l’archevêque de Paris, Michel Aupetit, pour élaborer le projet diocésain.

L’incendie du 15 avril 2019 a offert une page blanche à une repensée complète de la circulation, du mobilier, des œuvres présentées dans la cathédrale… C’est lui, ce prêtre, nommé chanoine de Notre-Dame, qui, le premier, a donné l’idée que le général lance de sa voix de stentor à la première dame : « Remplacer les grisailles de Viollet-le-Duc dans les chapelles du bas-côté par une commande de vitraux contemporains, ça aura de la gueule, non ? » Le calme Duthilleul invariablement vêtu de sa veste noire et de son écharpe rouge à la Aristide Bruant, se souvient surtout de l’emphase du gradé ; Stéphane Bern, lui, d’avoir fait la grimace…

L’idée des vitraux contemporains va rapidement faire son chemin. Emmanuel Macron a toujours défendu pour Notre-Dame de Paris l’idée d’un geste architectural. Le 24 mai 2019, alors qu’il recevait à l’Elysée l’architecte japonais Arata Isozaki, Prix Pritzker à 87 ans, le président se livrait déjà à une ode à la jeunesse et à la créativité, arguant que Viollet-le-Duc (1814-1879) avait 29 ans lorsqu’il avait construit la flèche, et Renzo Piano 33 lorsqu’il avait dessiné Beaubourg : « Nous devons faire confiance aux bâtisseurs d’aujourd’hui et nous devons nous faire confiance », professait-il.

Pas touche à Viollet-le-Duc

Quand l’Eglise aimerait redonner vie et langage théologique aux chapelles fanées qui bordent la nef, le président souhaiterait, lui, laisser « une trace mémorielle », pour reprendre le terme d’un conseiller élyséen : « Dans deux cents ans, personne ne s’intéressera au fait que les brumisateurs ou le chauffage aient été installés aujourd’hui. En revanche, une œuvre d’art… » Ainsi prend corps la commande d’une verrière à un artiste contemporain pour remplacer les verres à formes géométriques de Viollet-le-Duc. L’idée du comité diocésain s’accompagne à l’époque d’un appel plus large à des œuvres contemporaines – comme celles de Louise Bourgeois –, et à une approche novatrice de la circulation des visiteurs, de l’éclairage, de la communion. De quoi faire bouillir les conservatismes.

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