LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine, « Le Monde des livres » propose une sélection remarquablement éclectique, avec le récit de l’autrice espagnole Leila Guerriero sur les traces laissées par Truman Capote lors de ses séjours sur la Costa Brava ; l’essai de l’historien indien Dipesh Chakrabarty, dans lequel il envisage l’humanité comme une force planétaire parmi d’autres ; le roman de l’Américain Robert Littell qui retrace les quelques semaines passées par Léon Trotski à New York au début de 1917 ; la biographie du sociologue Zygmunt Bauman, mort en 2017, un intellectuel global au parcours tourmenté ; et, enfin, le roman d’Elisabeth Filhol, sorte d’anti-space opera mêlant de façon impressionnante science et imagination.
RÉCIT. « Le Fantôme de Truman Capote », de Leila Guerriero
Le Fantôme de Truman Capote s’ouvre dans un cimetière de Palamos, cité balnéaire de la Costa Brava, en Espagne, alors que la narratrice est à la recherche d’une tombe : celle de l’écrivain américain Robert Ruark (1915-1965). Il est l’homme qui, dit-on, convainquit Truman Capote (1924-1984) de venir se réfugier là pour écrire son futur chef-d’œuvre, De sang-froid.
Mais de quelle manière la découverte de cette sépulture aide-t-elle l’autrice, Leila Guerriero, dans son enquête ? En quoi identifier la dernière demeure de Ruark permet-elle de saisir quoi que ce soit des trois séjours (de six mois chacun) effectués par Capote dans ce coin d’Espagne entre 1960 et 1962 ? Que donne-t-elle à comprendre sur l’écriture du « livre qui a mené [son auteur] à l’Olympe avant de le traîner en enfer » ? Et d’ailleurs, Ruark a-t-il vraiment joué le rôle que l’histoire lui attribue ?
C’est la première d’une succession d’impasses et d’apories auxquelles va se confronter la journaliste et écrivaine argentine, autant d’obstacles dont le récit forme la trame du Fantôme de Truman Capote, qui navigue entre le présent de Leila Guerriero, à Palamos, en 2023, et l’histoire de De sang-froid et de son auteur.
Ecrit avec une minutie souvent pleine d’humour, Le Fantôme de Truman Capote est porté par des questions essentielles sur la vérité et l’écriture. Sur l’effacement des traces et sur ce qui compte dans la vie d’un écrivain. Et puis sur l’écriture de non-fiction, cette veine littéraire dont De sang-froid reste le modèle absolu presque soixante ans après sa publication, en 1966, et dont Leila Guerriero, 57 ans, est aujourd’hui l’une des très grandes représentantes. R. L.
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