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Histoires Web dimanche, octobre 27
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Il vient de Brooklyn, il a neuf longs-métrages à son actif, il est quasiment inconnu en France. Le quadragénaire Nathan Silver fait donc partie de l’espèce résistante des cinéastes indépendants new-yorkais, ce qui est tout sauf une sinécure dans ce Nouveau Monde où le business est roi. Son nouveau film, Carla et moi, met en scène un chantre de synagogue qui perd la voix en même temps que sa femme. Une étrange comédie qui enchante et réconforte à la fois.

Que pouvez-vous nous dire de votre vocation ?

L’étincelle, c’est mon père, qui avait fait une école de cinéma, et qui me fait découvrir, à 9 ans, Un chien andalou, de Salvador Dali et Luis Buñuel. J’ai été ébloui par ces images. Après, adolescent, comme j’étais fou de poésie française, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, tous ces gens-là, j’ai voulu les lire dans le texte, et je suis venu séjourner en France dans le cadre d’un programme d’échange à Rennes. Je crois que je fantasmais un destin de poète maudit. Ça n’a pas marché. Je suis donc retourné faire des études de cinéma à New York.

D’où vient ce tropisme français ?

Je ne sais pas exactement. Quelque chose de familial, sans doute. Mon père est un fan d’Eric Rohmer. Mon oncle a épousé une Française, mes deux cousins sont français.

Quelle est la signification du titre original de « Carla et moi », « Between the Temples » ?

C’est une blague de mon coscénariste, C. Mason Wells. Le mot « temple », en anglais, veut dire à la fois, « synagogue » et « temple ». L’idée était d’associer la macération cérébrale et l’incertitude religieuse. Cela semblait convenable pour une comédie juive.

Votre mère semble occuper une place centrale dans votre création. Comment l’expliquez-vous ?

C’est exact. Ma mère est quelqu’un qui a une fantaisie et un sens de la digression qui m’ont profondément inspiré et que j’ai voulu traduire dans mon cinéma. Une des manières est de la faire figurer dans mes films. Mais c’est compliqué, parce qu’elle ne retient pas toujours les dialogues et qu’elle ne respecte pas les marques au sol.

Ben, votre héros, tombe amoureux d’une femme qui pourrait être sa mère et qui est, de fait, inspirée par la vôtre. Or, « ben », en hébreu, signifie « fils ». Assumez-vous cette vertigineuse coïncidence ?

Magnifique, quels détours de l’inconscient, je l’ignorais ! C’était, pour nous, plutôt une référence au film Le Lauréat [Mike Nichols, 1967], dont le personnage principal, interprété par Dustin Hoffman, est convoité par une amie de sa mère et se nomme Ben. Et c’était aussi une allusion au fait que le personnage de mon film est coincé dans le passé, qu’il est en quelque sorte un « has Ben » [jeu de mot avec has been, signifiant « ringard »]. Comme quoi Freud est vraiment partout…

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