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Histoires Web vendredi, décembre 27
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Comme la plupart des « dossiers stups », l’affaire commence par un renseignement anonyme. A l’été 2019, une équipe du très animé commissariat de Roubaix (Nord) investit une petite maison de la commune où se seraient installés des passeurs de cocaïne en provenance de Guyane. Derrière l’étroite façade en briques rouges, les policiers découvrent un spectacle digne du huitième cercle de l’Enfer imaginé par Dante : poubelles débordantes, papier toilette souillé, seaux remplis de déjections humaines… Et quatre personnes originaires de Guyane, hagardes et désorientées. Après avoir fouillé la maison, les forces de l’ordre rassemblent 6 kilos de cocaïne, conditionnés en ovules plastifiés d’une dizaine de grammes.

Un groupe de l’antenne Ofast (Office antistupéfiants) de Lille prend l’affaire en main. Ces enquêteurs ne connaissent le trafic des passeurs guyanais qu’à travers les deux ou trois « mules » que les douanes remettent à la police judiciaire chaque semaine. « En auditionnant les quatre transporteurs, on a compris qu’il s’agissait d’un réseau très structuré, se souvient le capitaine Yann, alors chef adjoint du groupe. Au Suriname, pays frontalier de la Guyane, les mules avaient avalé des dizaines de capsules de cocaïne – environ 1,2 kg de produit par personne. Elles avaient ensuite accompli un long trajet : pirogue – taxi collectif – aéroport de Cayenne – avion – Orly – et enfin VTC jusqu’à Roubaix. ».

Le capitaine Yann et son équipe se renseignent sur le phénomène des « mules guyanaises ». L’ampleur du trafic les laisse incrédules : au moins 10 000 passeurs par an, un vivier inépuisable de candidats – jeunes désœuvrés, femmes enceintes, mais aussi militaires, élus ou rapatriés sanitaires –, et des dispositifs de contrôle au bord de la rupture. D’après les chiffres du ministère de l’intérieur, un cinquième de la cocaïne disponible en métropole provient alors des « mules guyanaises ». Face à la saturation inédite des services de police et de justice, la réponse de l’Etat demeure en suspens.

Claquettes-chaussettes et chauffeur personnel

Une piste retient vite l’attention du capitaine Yann et de son équipe. Les billets d’avion des quatre passeurs ont tous été émis par la même agence, Solair Voyages, située au cœur de Roubaix, entre restaurants kebab et night-shops (épiceries locales). Pour la seule année 2019, cette société a réservé plus de mille titres de transport sur la liaison Cayenne-Paris, soit un tiers de son chiffre d’affaires. Au cours de la même année, trente-sept passagers voyageant avec les billets qu’elle a émis ont été contrôlés de manière aléatoire par les douanes. Tous étaient porteurs de cocaïne – en moyenne 1,7 kg par personne. En se fondant sur ce ratio, le capitaine Yann a évalué la quantité de produits importée en 2019 via Solair Voyages à près d’une tonne – 933 kg exactement.

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