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Histoires Web lundi, juillet 1
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Le terme de campagne ne paraîtra pas galvaudé concernant le chantier de quinze ans que fut la restauration de Napoléon (1927), le plus célèbre des films d’Abel Gance, lancée en 2008 par La Cinémathèque française sous la direction du chercheur et réalisateur Georges Mourier. L’œuvre renaît dans un nouveau montage de sept heures, en deux parties, qui se rapproche au plus près des souhaits de l’auteur, serti d’une toute nouvelle partition arrangée par Simon Cloquet-Lafollye. Le coup d’envoi est donné les 4 et 5 juillet à la Seine musicale, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), pour un ciné-concert en deux soirées avec les orchestres de Radio France, suivi de six projections au fil du mois à La Cinémathèque. A partir du 10 juillet, le « monstre » est distribué par Pathé à travers la France dans un parc de trente salles, plan de bataille inouï pour un muet datant de près d’un siècle.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés A Cannes Classics, le « Napoléon » d’Abel Gance ressuscité après quinze ans d’efforts minutieux

De Napoléon, il n’y eut jamais de version originale ou tout simplement arrêtée, le film ayant directement commencé sa carrière sous le signe de l’inachevé et du fragmentaire. Bribe d’un projet beaucoup plus vaste qui devait couvrir toute la vie de l’Empereur, cette fresque colossale, obtenue au terme de quatorze mois de tournage, est divulguée courant 1927 selon trois montages différents, produite en muet alors que le parlant commençait à rafler la mise. Elle a bien failli périr émiettée sous les coups de ciseaux des distributeurs et de Gance lui-même qui ne démordit jamais de remanier sa copie tout au long de sa vie. Après cinq tentatives de reconstructions depuis les années 1950, celle de Mourier, outre qu’elle rend tout leur lustre aux images de Gance, installe le récit dans sa durée, laisse plus de place aux personnages secondaires, tempère l’épopée par l’intimisme, double l’histoire de ses coulisses.

Ce nouveau Napoléon n’a donc rien du monument, ni du monolithe figé. Le génie d’Abel Gance, fer de lance de l’avant-garde des années 1920, est ailleurs : dans la faculté débordante dont il investit l’outil-cinéma, qu’il estime capable de propulser le spectateur au cœur même de l’histoire, comme d’en extraire toute la substance poétique. C’est donc un film qui semble en contenir dix autres, plein de trous et de trouvailles, de stases et d’élans, dont chaque épisode, valant pour lui-même, semble contester au tout sa cohérence.

Montage stroboscopique

De son enfance au collège de Brienne (Aube) jusqu’à sa reprise en main de la campagne d’Italie, en passant par les orages de la Convention, les turpitudes de la Terreur, son illustration au siège de Toulon, Napoléon (joué par Albert Dieudonné, qui avait déjà incarné le personnage sur les planches) est dépeint comme une figure ascendante, qui « accomplit » la Révolution française en la sauvant de ses propres dérives. Gance mobilise une véritable foule de personnages célèbres ou inventés (dont lui-même dans le rôle de Saint-Just, Antonin Artaud en Marat, Gina Manès en Joséphine) et brasse tous les registres possibles du cinéma, de l’épopée martiale au mélodrame, de la romance à l’effroi.

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