Malgré son rejet par le Sénat, mercredi 9 juillet dans la soirée, la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille va vraisemblablement aboutir jeudi avec un ultime vote des députés, à qui le gouvernement assume de donner le dernier mot.
« Passage en force » au Parlement, « tripatouillage électoral » ou « avancée majeure pour la démocratie municipale » ? Au terme d’un parcours législatif plus que chaotique et à la veille de la suspension estivale des travaux parlementaires, la proposition de loi du député Renaissance Sylvain Maillard semble promise à une adoption définitive à l’Assemblée nationale à partir de 9 heures jeudi.
Le gouvernement y dispose en effet d’une majorité assez originale, constituée notamment des élus du Rassemblement national (RN) et de La France insoumise (LFI), en plus des députés Renaissance, MoDem et Les Républicains (LR). Cette alliance inhabituelle soutient la réforme qui entend mettre fin au mode de scrutin mis en place en 1982 dans la « loi PLM ». Actuellement, les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d’arrondissement et au conseil municipal.
Dans sa version mise au vote, le texte prévoit à la place d’instaurer deux scrutins, l’un pour élire les conseillers d’arrondissement ou de secteur, l’autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique. Il s’agit « d’une avancée majeure pour la démocratie municipale dans nos trois plus grandes villes », selon Jean-Paul Mattei, rapporteur MoDem du texte à l’Assemblée. Le système actuel est « complexe » et « peu lisible pour les citoyens », tandis que la réforme rapprocherait les scrutins à Paris, Lyon et Marseille « du droit commun », a-t-il martelé.
Mais derrière ce rapport de force se cache une fracture inédite ces derniers mois au sein du socle commun : elle oppose le premier ministre François Bayrou et le Sénat, une chambre pourtant devenue une alliée fidèle de l’exécutif depuis l’entrée des Républicains dans la coalition gouvernementale.
La colère sénatoriale
Les deux principaux groupes de la Haute assemblée, Les Républicains et le Parti socialiste (PS), refusent en effet de voir le mode de scrutin changer à moins de neuf mois des élections municipales de mars 2026, sans étude d’impact ni avis préalable du Conseil d’Etat. Le Sénat a donc largement rejeté le texte par deux fois, dont la dernière, mercredi soir, s’est terminée dans un climat rarissime de défiance vis-à-vis des méthodes de l’exécutif.
Les sénateurs fustigent une réforme en forme de « tripatouillage électoral », avec « un texte mal ficelé » qui soulève discorde et incompréhension et supprime la proximité, selon la sénatrice LR Valérie Boyer. Un « passage en force », selon le chef du groupe LR Mathieu Darnaud, qui s’indigne du choix du gouvernement d’activer la procédure du « dernier mot » de l’Assemblée nationale, qui donne la primeur aux députés… alors que François Bayrou avait assuré dès février qu’il ne pouvait imaginer faire adopter ce texte sans compromis entre les deux chambres. Depuis l’arrivée du premier ministre à Matignon, aucun texte de loi n’a été adopté sans l’accord du Sénat.
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La gauche, hors LFI, s’oppose aussi massivement à la réforme, y voyant surtout la main invisible de Rachida Dati, qui espère augmenter ses chances de ravir la mairie de Paris à la gauche avec cette évolution. « Vous êtes en train d’instaurer un mode de scrutin fait pour une ministre candidate, mise en examen pour corruption et trafic d’influence. J’espère que cela se retournera contre vous », a lancé le sénateur PS Rémi Féraud au ministre des relations avec le Parlement Patrick Mignola.
Face aux divergences irréconciliables, « la responsabilité du gouvernement » est de « faire fonctionner les institutions », a laconiquement répondu le ministre mercredi soir, pour justifier le dernier mot donné aux députés. « On ne peut pas faire d’un cas ponctuel une généralité », a-t-il ajouté. Gauche comme droite sénatoriales ont déjà promis de saisir le Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation du texte.