Les parlementaires des deux chambres réunis en commission mixte paritaire (CMP) ont échoué, mardi 24 juin, à s’accorder sur la réforme décriée du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, actant d’importantes divisions au sein du camp gouvernemental sur ce texte soutenu par François Bayrou.
Ce désaccord entre l’Assemblée nationale – favorable à la réforme – et le Sénat – qui y est opposé – est un nouveau contretemps pour le premier ministre, qui va désormais devoir décider s’il donne le dernier mot aux députés, au risque de se mettre ses alliés Les Républicains (LR) du Sénat à dos, à neuf mois des municipales de mars 2026.
La réunion de mardi matin entre les parlementaires des deux chambres a tourné court. En moins d’une demi-heure, ils ont constaté leurs divergences de vue, sans même mettre la moindre disposition au vote, selon plusieurs participants.
« Coup de force »
Un député présent a regretté « l’obstruction du Sénat », un autre a fustigé le « coup de force » des sénateurs sur cette réforme critiquée de longue date par le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, qui l’estime trop précipitée et incomplète. Mais pour le président de la commission des lois à l’Assemblée, Florent Boudié (Renaissance), « on ne peut délibérer que d’une copie, il n’y en avait pas ».
« Je suis un peu déçu qu’on ne puisse pas avancer », a regretté Jean-Paul Mattei, rapporteur MoDem de l’Assemblée. « Si on avait voulu, on aurait pu cheminer de manière positive sur ce texte », pour éviter de « passer en force à l’Assemblée nationale », a-t-il ajouté.
« Il faut savoir terminer une mauvaise loi », a rétorqué auprès de l’Agence France-Presse (AFP) le sénateur LR Francis Szpiner, appelant le gouvernement à abandonner la réforme. Même tonalité chez la maire de Paris, Anne Hidalgo (socialiste), qui appelle « à renoncer à ce projet néfaste pour la démocratie ».
Rendre le scrutin « plus lisible »
La proposition de loi d’origine macroniste entend mettre fin au mode de scrutin mis en place en 1982 dans la loi PLM, en vertu duquel les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d’arrondissement et au conseil municipal. Dans sa version approuvée par les députés, il prévoit à la place d’instaurer deux scrutins, l’un pour élire les conseillers d’arrondissement ou de secteur, l’autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.
Avec une ambition : rendre le scrutin « plus lisible », rapprocher les électeurs du choix de leur maire et faire en sorte « qu’un électeur égale une voix ». Mais derrière cette formule simple se cachent d’importants enjeux électoraux.
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Y sont favorables le parti présidentiel Renaissance, le MoDem du premier ministre, le Rassemblement national, La France insoumise et le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale. A l’inverse, les socialistes et les sénateurs LR y sont quasi unanimement opposés. Ils jugent la réforme bâclée et téléguidée par Rachida Dati, qui espère être en meilleure posture grâce à ce texte pour ravir la Mairie de Paris à la gauche.
Ce scénario est rarissime dans la configuration politique actuelle, où l’exécutif se repose énormément sur le Sénat pour faire cheminer les textes législatifs, là où il ne dispose d’aucune majorité à l’Assemblée nationale.
Une situation inconfortable pour François Bayrou
La situation est inconfortable pour François Bayrou, qui va devoir trancher entre abandonner la réforme, au détriment des espoirs du bloc central, ou passer outre le Sénat en donnant le « dernier mot » à l’Assemblée nationale, où une majorité se dégage.
Plusieurs membres du bloc présidentiel estimaient ces dernières heures que cette hypothèse tenait la corde, face aux blocages du Sénat. « Le ministère des relations avec le Parlement y était très opposé, il est maintenant plus ouvert », reconnaît une source gouvernementale. Cette procédure est néanmoins chronophage dans un agenda parlementaire bouché : il faudrait au préalable une nouvelle lecture dans chacune des deux chambres, avant l’ultime vote des députés.
« Je n’imagine pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’il y ait accord de l’Assemblée nationale et du Sénat », avait pourtant prévenu M. Bayrou dès février. Les sénateurs n’ont pas oublié cette promesse. Passer outre leur avis serait « très clairement une forme d’impolitesse », assure auprès de l’AFP Lauriane Josende, rapporteuse LR du Sénat. « Certains parlent d’une déclaration de guerre. Je ne sais pas si nous en sommes là, mais il s’agirait d’une mauvaise manière à l’encontre des alliés que nous sommes. »