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Histoires Web dimanche, novembre 17
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Près de cent jours après avoir prêté serment en tant que chef du gouvernement intérimaire, le Prix Nobel de la paix 2006, Muhammad Yunus, a reçu Le Monde à la Jamuna State Guest House, sa résidence officielle à Dacca, qui accueillait autrefois les dignitaires étrangers. Le palais de l’ancienne première ministre déchue, Sheikh Hasina, au pouvoir durant quinze ans, a été saccagé après sa fuite, le 5 août, vers l’Inde, lorsqu’elle a été détrônée par un mouvement étudiant de masse.

Vous avez pris la tête du gouvernement il y a trois mois. Dans quel état avez-vous trouvé votre pays ?

Le pays était en état de choc. Des centaines de jeunes avaient été tués dans les rues par les forces de l’ordre. Il y avait aussi de l’excitation. Le régime, qui tenait le pays d’une main de fer depuis plus de quinze ans, venait de s’effondrer.

Les étudiants m’ont persuadé de diriger le gouvernement intérimaire. Nous ne nous connaissions pas et avons commencé notre travail dans un environnement incertain. La seule chose que nous savions, c’est que nous avions la possibilité de façonner un pays nouveau.

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Les étudiants disaient vouloir remettre les compteurs à zéro : laisser le passé derrière eux pour créer le monde de leurs rêves, un « nouveau Bangladesh ». Tout le pays s’est uni autour de cette idée. Les attentes des étudiants sont au plus haut, ils voudraient faire des pas de géant, nous devons leur faire comprendre que nous avançons à petits pas.

L’administration façonnée par Sheikh Hasina vous laisse-t-elle les moyens d’agir ?

Au début, il y avait de l’hostilité. L’administration s’est effondrée parce que des milliers d’employés sont restés dévoués à l’ancien régime. Vous ne savez jamais à qui vous avez affaire. Cela crée une grande méfiance. Nous avons fait face à un grand chaos. Nombre de fonctionnaires ont tout simplement disparu, certains ont même quitté le pays par peur des représailles. Il y a des chaises vides dans toute l’administration gouvernementale et il nous faut recruter des personnes compétentes pour les occuper.

La police n’a toujours pas complètement repris le travail. Certains ont toujours peur de sortir dans la rue parce qu’ils pensent que le public va leur crier dessus, leur cracher dessus… Mais progressivement, l’ordre s’établit et le gouvernement intérimaire a pris ses marques.

Dacca est devenue le théâtre quotidien de rassemblements politiques et de manifestations…

Tout le monde a des revendications. Les bureaucrates veulent des promotions, arguant qu’ils en ont été privés parce qu’ils n’étaient pas favorables à l’ancien régime. Les ouvriers du textile réclament des augmentations de salaire. Nous devons donc travailler avec tout cela.

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