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Histoires Web samedi, avril 27
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Le monde du cinéma n’est pas tendre avec les autodidactes comme l’était Laurent Achard, homme de peu de films, mais cinéaste ultrasensible, l’un des rares à avoir ajouté sa touche, unique, à ce portrait de la France, entamé avant lui par les Jean Renoir, Jean Eustache, Maurice Pialat et Eric Rohmer. Trois longs-métrages en trente ans de carrière, aussi splendides qu’ignorés, auxquels s’ajoutent cinq courts leur tenant parfois la dragée haute, ainsi que quatre portraits documentaires : voilà toute l’étendue d’une œuvre certes clairsemée, mais qui n’en forme pas moins un monde.

L’enfance comme siège des terreurs primordiales et réceptacle des secousses intrafamiliales fut le nœud secret de cette œuvre, qui comprend, entre autres titres marquants, Plus qu’hier moins que demain (1998), Le Dernier des fous (2007) et, surtout, La Peur, petit chasseur (2004), court-métrage matriciel qui lui valut l’essentiel de sa réputation. Le cinéaste est mort dans la nuit de dimanche 24 à lundi 25 mars, à la suite d’un arrêt cardiaque, à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, à l’âge de 59 ans.

Laurent Achard naît le 17 avril 1964 à Tonnerre (Yonne), en Bourgogne, dans un milieu populaire, et traverse une enfance pauvre. Il racontait souvent avoir découvert le cinéma en cachette, en regardant le « Ciné-Club », de Claude-Jean Philippe, à la télévision dans le dos de ses parents, et sera soutenu par les conseils avisés d’un professeur de collège avec lequel il restera en contact toute sa vie. Très jeune, il monte à Paris, se lie avec la réalisatrice Solveig Anspach (1960-2015) et entre dans l’orbite de Maurice Tinchant et Martine Marignac, duo de producteurs cinéphiles.

Au sein de leur maison mère, Pierre Grise Productions, Laurent Achard tourne, en 1990, son premier court-métrage, Qu’en savent les morts ?, qu’il gardera sous le boisseau, toujours caché. La révélation survient avec le deuxième, Dimanche ou les fantômes (1994), petit chef-d’œuvre de trente minutes que les festivals s’arrachent. Le film se déroule sur une journée, qu’une mère irascible passe au bord de l’eau avec le petit garçon qu’elle élève seule. Le cinéaste ausculte par petites touches l’inconscient de cette relation inquiète, parsemée d’absences, de non-dits, de trous d’air – les fameux « fantômes » du titre.

Belle galerie de caractères

Avec Plus qu’hier moins que demain, Laurent Achard passe au long et rencontre celui qui deviendra son comédien fétiche, Pascal Cervo. Dans cette splendide chronique d’un retour au foyer, Tigre d’or à Rotterdam, le cinéaste puise ses personnages dans la classe moyenne provinciale et cisèle avec justesse une belle galerie de caractères : mère langue de vipère, sœur amoureuse, petit frère en culottes courtes. L’écriture limpide, la beauté des cadres, la finesse des dialogues accompagnent une remontée du secret et de la violence tapie. Achard s’affirme comme un cinéaste des lisières : sa caméra glisse entre la maison et la nature environnante, où se profile toujours quelque objet de menace.

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