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Histoires Web mardi, octobre 22
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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

On pourrait facilement comparer Monsieur Aznavour à un ouvrage de développement personnel… « La Montagne, c’est toi ! », « Prenez votre envol ! », « Forcez votre destin », « Tu vas tout déchirer ! », semble nous dire le film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, tout au long des deux heures quinze qui, en retraçant la vie de l’auteur-compositeur-interprète parti de rien, donnent envie de se dépasser. Comment donc ce fils d’immigrés arméniens, ni beau ni moche, pas très grand et à la voix nasillarde, est-il devenu un monument de la chanson française ?

Lire la nécrologie : Charles Aznavour, un fils de l’exil parvenu en haut de l’affiche

Si l’on devait retenir quelques éléments, amplement détaillés à l’écran, qui l’ont conduit au succès, on dirait que Charles Aznavour (1924-2018) n’a pas cru à la chance, a travaillé dix-sept heures par jour, a fait preuve de régularité, n’a pas prêté attention aux critiques, a persévéré devant des salles à moitié vides et a eu suffisamment de cran et de talent pour plaire à Pierre Roche, un fils de bonne famille avec lequel il chanta en duo, et à Edith Piaf. Ces collaborateurs de la première heure lui ont ouvert les portes du beau monde.

Le film s’ouvre sur des images documentaires du génocide des Arméniens, perpétré entre 1915 et 1916, et se conclut par un journal télévisé présenté par Claire Chazal (tourné pour l’occasion), qui évoque le destin de ce fils d’apatrides, devenu l’un des symboles de la culture française. A l’heure où les idéologies xénophobes rejaillissent, il n’est pas inutile de le rappeler. Il n’en reste pas moins que ce geste politique à travers lequel évolue le film joue sur deux tableaux vus et revus : une représentation succincte de la misère familiale (famille sans le sou mais heureuse) et le feel-good movie de l’intégration. C’est particulièrement visible dans la séquence de la seconde guerre mondiale qui compare le sort du jeune Aznavour à celui des juifs, alors que la bande musicale produit une sorte d’enchantement salvateur.

Eternel insatisfait

Chaque chapitre porte le nom d’une chanson. Ce format simple comme bonjour a le mérite de montrer combien la vie de l’artiste (ses galères, ses amours, ses rencontres) a nourri son œuvre. Les Deux Guitares, écrite à l’âge adulte, raconte son enfance, La Bohème, datée des années 1960 parle de sa jeunesse, etc. A la différence des biopics qui se concentrent sur une période précise (Lee Miller, reporter de guerre en 1939-1945, Back to Black, l’enregistrement de l’album mythique d’Amy Winehouse), dans une forme de réhabilitation par le meilleur, Monsieur Aznavour opère quasi du berceau au cercueil. Prime ici la persévérance de cet éternel insatisfait, qui semble n’avoir jamais atteint son but ultime, si ce n’est lorsqu’il obtient le même salaire que Frank Sinatra, lors d’une tournée aux Etats-Unis.

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