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L’équipe de France avait rendez-vous en enfer pour sa demi-finale du Mondial, jeudi 30 janvier, face à la Croatie. Un enfer brûlant comme l’atmosphère dégagée par les 15 000 spectateurs amassés dans l’Arena Zagreb, la salle omnisports où s’étaient déjà affrontées ces deux nations fortes du handball.

Revêtus du maillot à damier ou drapés dans les couleurs nationales, ils ont copieusement sifflé les joueurs français, dès leur entrée sur le terrain, et acclamé avec la même énergie chaque action favorable aux coéquipiers de Domagoj Duvnak, la star de l’équipe. Vainqueurs des Bleus (31-28) au terme d’un match d’une rare intensité, les Croates s’ouvrent les portes de la finale, qu’ils iront disputer, dimanche 2 février, à Oslo, en Norvège, contre le Danemark, champion en titre, ou contre le Portugal.

Le sélectionneur français, qui, lui, avait goûté à la victoire, en tant que joueur, dans cette même Arena Zagreb, en finale du Mondial 2009 contre la Croatie, avait prévenu : « Je m’attends à un match de très haut niveau quand je vois la démesure de l’investissement émotionnel des Croates depuis le début de la compétition, la passion autour de cette équipe où ils vont puiser leur énergie ».

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Guillaume Gille ne s’est pas trompé, et la passion n’a jamais faibli dans les travées de l’enceinte sportive, où le public a entonné des « Viva Croatia », « Kuzma, Kuzma » en hommage à Dominik Kuzmanovic, le gardien croate auteur de nombreux arrêts décisifs ou encore « Dovidenja » (« Au revoir ») à l’attention des Français qui ont presque tout raté, jeudi soir, alors que tout a souri à leurs adversaires.

Devancé au score dès les premiers instants du match, comptant jusqu’à dix points de retard vers la demi-heure de jeu, le groupe mené par Ludovic Fabregas a réagi en deuxième période, revenant « sur les talons des Croates » selon la formule de Guillaume Gille, sans pour autant parvenir à égaliser. La seule mèche allumée par les Bleus, Aymeric Minne, s’est vite éteinte avec son exclusion sur carton rouge. « On avait besoin de sa vivacité, de sa puissance. J’ai l’impression qu’il aurait pu être notre déclic ce soir, mais les arbitres en ont décidé autrement », retient Nedim Remili. Et de s’interroger : « Comment revient-on de l’enfer ? »

Les Bleus à la recherche d’un nouvel équilibre

Ces douze derniers mois ont eu des allures de chemin de croix pour l’équipe de France. En janvier 2024, elle débutait l’année de la meilleure des manières en remportant, dans une ambiance déjà chahutée, à Cologne, en Allemagne, le titre continental, qui plus est face au pays qui domine depuis plusieurs années la discipline, le Danemark. Six mois plus tard, les champions d’Europe sortaient par la petite porte du tournoi olympique, éliminés en quart de finale par l’Allemagne sur une bévue dans les ultimes secondes du temps réglementaire de Dika Mem, pourtant meilleur buteur de la rencontre.

Depuis, à l’instar de ce joueur au talent immense – il reste le meilleur buteur tricolore de ce Mondial, et demeure, avec 136 sélections, l’un des leaders incontestés du groupe – l’équipe de France offre deux visages. Ce fut le cas, jeudi, contre la Croatie, avec des Bleus résignés en première période, puis sonnant la révolte au retour du vestiaire.

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« C’est une nouvelle équipe, avec la nécessité pour ce groupe de trouver de la stabilité », a analysé Guillaume Gille dans les coulisses de l’Arena Zagreb. « Elle avance, assure-t-il, même si aujourd’hui ce n’était pas suffisant pour faire vaciller la Croatie ». La fin des Jeux olympiques a coïncidé en effet avec la fin de carrière de trois joueurs centraux du groupe entraîné depuis 2020 par Guillaume Gille : Nikola Karabatic, Vincent Gérard et Valentin Porte. Les Bleus sont à la recherche d’un nouvel équilibre, et ouvrent grand les portes à des joueurs laissés jusqu’ici dans l’ombre, dont les Nantais Aymeric Minne et Thibaud Briet.

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La transmission du brassard de capitaine de Luka Karabatic – désormais vétéran ou « grand sage », salue son partenaire en défense, Karl Konan – à sa demande, à Ludovic Fabregas, ne relève pas seulement du symbole. Elle illustre le nouveau chapitre que cette équipe rajeunie souhaite écrire dans le livre déjà volumineux des exploits du handball français.

« C’est notre première compétition internationale avec des responsabilités redéfinies, a plaidé Ludovic Fabregas après la rencontre, le visage encore rougi par les coups au visage portés par les attaquants croates à l’agressivité débordante. Nous sommes en reconstruction. »

« L’échec des Jeux a été un microtraumatisme »

Reconstruction tactique, et psychologique pour une autre part. A l’initiative de l’encadrement technique, un préparateur mental travaille depuis 2024 auprès des Bleus, Pierre Arthapignet. Dans un entretien accordé à plusieurs médias français, le 28 janvier, il est revenu sur l’élimination de la France aux JO : « Il n’est pas évoqué consciemment, explicitement, mais on peut bien penser que, dans les arrière-pensées de chacun, il y a effectivement le souvenir assez récent du quart de finale loupé, et que chacun a à cœur de ne pas renouveler l’expérience (…) l’échec des Jeux a été quand même un microtraumatisme qu’il fallait absolument travailler, neutraliser ».

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Le parcours de l’équipe de France au début du Mondial a laissé supposer que les Bleus avaient dépassé cet épisode, qu’ils avaient retrouvé la fluidité de jeu qui leur avait fait défaut pendant le tournoi olympique. Mais le tirage au sort très favorable, les plaçant dans une partie de tableau sans aucun adversaire de leur rang, s’est révélé un cadeau empoisonné.

Vainqueurs de tous leurs matchs de phases de poule, avec au moins sept buts d’écart, les sextuples champions du monde n’ont pas pu évaluer leur exact niveau. Leur premier match couperet, en quart de finale face à l’Egypte, s’est transformé en une partie étouffante et indécise, finalement remportée sur un tir audacieux de Luka Karabatic à trois secondes de la fin de la rencontre. Au sortir de ce match déjà compliqué, Karl Konan voulait retenir « la résilience de l’équipe [de France]. Malgré les rotations, malgré mon carton rouge, le groupe a pu combler et faire preuve de solidarité ».

Vendredi, les Bleus vont de nouveau mettre à l’épreuve leur capacité à surmonter les traumatismes, avec l’objectif de remporter, dimanche, à Oslo, la médaille de bronze du Mondial, privés du jardin d’Eden auquel ils aspiraient.

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