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Histoires Web vendredi, mai 9
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Il n’y a rien de plus merveilleux à mes yeux que la possibilité de cueillir dans la nature de quoi se nourrir. Au Japon, malgré l’industrialisation et la mondialisation, on a conservé une culture très liée à la nature et cette idée de récolter librement quelques ingrédients autour de soi, pour les intégrer au repas du soir. C’est courant, pour les Japonais, y compris les plus urbains, d’aller en forêt le week-end pour faire des cueillettes. J’ai grandi avec ça, même si j’ai vécu à Tokyo toute ma jeunesse. J’ai fréquenté le lycée français de Tokyo de la maternelle à la terminale. Mes parents sont journalistes, écrivains, très citadins.

Ma mère a toujours affirmé détester la campagne japonaise et pourtant, elle chérit l’idée de se nourrir gratis, en pêchant son poisson, en cueillant des champignons, des racines, des herbes sauvages… Peut-être parce qu’elle est issue d’un milieu plutôt modeste, mais surtout parce qu’elle trouve juste que chacun puisse bien se nourrir, sans que cela coûte cher.

L’un des plats traditionnels que je préfère dans mon pays, c’est le nanakusa-gayu, une préparation que l’on mange le 7 janvier, après les fêtes. Littéralement, cela signifie « bouillie de riz aux sept herbes » : un plat très simple, pour purifier et revigorer le corps après les excès du Nouvel An japonais, à base de riz, donc, et de plantes hivernales détoxifiantes que l’on peut trouver dans son jardin. En l’occurrence, les sept herbes sont : le seri, un céleri d’eau riche en vitamine C ; la nazuna, une bourse-à-pasteur pleine de minéraux ; les gogyō, des feuilles de chrysanthème antitussives ; le hakobera, un mouron des oiseaux dépuratif ; le hotoke-no-za, un lamier amplexicaule, plein de fibres ; le suzuna, un navet, et le suzushiro, un radis daïkon qui favorise la digestion.

« Un jour, on décide de s’enraciner »

Ce plat est lié à une coutume ancestrale très importante au Japon, où l’on célèbre le jardin, les saisons, le renouveau de la nature. Il n’est pas évident de trouver ces herbes en France, mais certains producteurs en cultivent, comme mon amie maraîchère Anna Shoji, et il est possible de les remplacer par les plantes comestibles que l’on trouve dans son jardin, selon la saison : roquette, pourpier, mâche, ortie, feuilles de chrysanthème, bourrache, pissenlit…

Le pissenlit, c’est d’ailleurs la plante fétiche de mon film, Planètes, sorte de road-movie topographique et géologique qui raconte le périple de quatre akènes de pissenlits à travers des mondes luxuriants ou hostiles pour trouver un sol habitable, suffisamment riche pour grandir et se reproduire.

C’est un peu comme mon parcours depuis le Japon, en passant par les Etats-Unis, où j’ai étudié l’art et le cinéma, avant de m’implanter en France. On se déplace et, un jour, on décide de s’enraciner. En japonais, il y a un mot pour cela : nezukuc, « l’enracinement ». Pourquoi décide-t-on un jour de s’implanter quelque part, d’en faire son « chez soi » ? Quelle est l’oasis qui nous convient ? Quel est le sol fertile où l’on peut atterrir, vivre et se nourrir harmonieusement et sereinement ?

« Planètes » (1 h 15), long-métrage d’animation de Momoko Seto, Miyu Productions et Ecce Films. Présenté à la Semaine de la critique.

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