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Histoires Web samedi, septembre 21
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Voilà beau temps que Mohammad Rasoulof, cinéaste indépendant iranien, âgé de 51 ans, est constamment harcelé par les autorités de son pays. Interrogatoires, menaces, confiscation de passeport, interdiction de tournage, emprisonnement : il aura tout connu. Le 8 mai, il apprend sa condamnation à huit ans de prison pour atteinte à la « sûreté de l’Etat ». Il quitte clandestinement le pays pour l’Allemagne, qui lui a offert l’asile. Après avoir été projeté en compétition au Festival de Cannes, en mai, son nouveau film, Les Graines du figuier sauvage – chronique de la pensée totalitaire à l’échelle familiale –, sort aujourd’hui en France.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés L’horreur totalitaire au sein d’un foyer

Comment l’idée de ce film vous est-elle venue ?

J’ai suffisamment fréquenté de gens qui servent ce système, dans les interrogatoires ou en prison, pour que l’idée finisse par faire son chemin, j’imagine. Mais il y a eu, en plus, un déclic spécifique. Lors de mon dernier séjour en prison, consécutif à la répression du mouvement Femme, vie, liberté, un groupe de dignitaires du régime nous a visités, et l’un d’eux s’est approché de moi, m’a offert son stylo et m’a dit : « Je me désole de voir des gens comme vous ici. Je ne sais pas quoi répondre à ma femme et à mes enfants qui m’interrogent sur ce que nous faisons. »

Lire le portrait : Article réservé à nos abonnés Mohammad Rasoulof, cinéaste en cavale au Festival de Cannes

C’est une question qu’on se pose depuis longtemps s’agissant de vos films ou de ceux de Jafar Panahi. Comment un cinéaste à ce point dans le collimateur d’un Etat policier peut-il malgré tout tourner un film clandestin ?

On apprend à jouer avec son adversaire. On l’observe autant qu’il nous observe. On ruse. Diriger sans être physiquement sur le plateau est par exemple une des ficelles qu’on utilise dans ce genre de cas. Mais Les Graines du figuier sauvage a été à cet égard mon projet le plus difficile. J’ai cru chaque jour que c’était le dernier du tournage. Honnêtement, je ne pensais pas aller au bout.

Vous êtes en butte aux persécutions du pouvoir iranien depuis toujours. Qu’est-ce qui a motivé, cette fois, la décision de vous exiler ?

J’ai quitté, en effet, l’Iran pour la première fois sans billet retour. J’ai pris cette décision parce que la répression contre moi a changé de forme. J’ai été placé dans la catégorie de ceux qui attentent à la sécurité de l’Etat. J’ai pris soudain conscience, lors d’un précédent emprisonnement, que j’arrivais au bout d’un cheminement. Et lorsque la confirmation d’une nouvelle peine de prison m’a été apportée, je venais de terminer le tournage clandestin de ce film dans lequel je m’étais jeté, et j’ai eu exactement deux heures pour savoir ce que je faisais de ma vie. Ce qui a emporté ma décision était le désir de continuer à raconter des histoires qui me tiennent à cœur. J’ai donc quitté cet espace géographique, pour un voyage qui sera certainement plus long que les précédents.

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