Le dirigeant de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, a été condamné à un an de prison et à l’interdiction d’exercer ses fonctions pendant six ans, a annoncé mercredi 26 février la Cour de Bosnie-Herzégovine dans un communiqué.
Ce procès a été considéré comme un test pour le pouvoir central fragile de la Bosnie coiffant les deux entités autonomes – serbe et croato-musulmane –, après que le leader serbe de 65 ans, au pouvoir depuis 2006, a ouvertement bafoué l’accord de paix et la justice. Il lui est reproché d’avoir promulgué en juillet 2023 deux lois adoptées par le Parlement de la République serbe de Bosnie (Republika Srpska), interdisant l’entrée en vigueur dans l’entité serbe des arrêts de la Cour constitutionnelle bosnienne et des décisions du haut représentant chargé de la mise en œuvre des accords de Dayton, Christian Schmidt.
Milorad Dodik, qui n’avait pas été arrêté et n’assistait pas au verdict, l’a immédiatement dénoncé lors d’un rassemblement à Banja Luka, chef-lieu de la Republika Srpska. « Ils disent que je suis coupable, mais les gens ici vous diront pourquoi je ne suis pas coupable », a-t-il lancé à la foule.
« La Bosnie-Herzégovine n’est pas négociable »
L’accusé a le droit de faire appel, et M. Dodik avait averti que le verdict serait rejeté par les institutions de la Republika Srpska s’il venait à être reconnu coupable. « C’est un combat décisif pour nos droits », avait-il lancé mardi à plusieurs milliers de personnes déjà réunies à Banja Luka pour le soutenir, s’engageant à « préserver la paix ».
Milorad Dodik dénonce depuis le début un « procès politique » dans lequel il voit la « poursuite » des sanctions américaines dont il est frappé depuis 2017 à cause de sa politique séparatiste, avec l’objectif de l’« éliminer de l’arène politique ».
C’est une modification du code pénal, imposée par M. Schmidt en juillet 2023 pour y introduire le délit de non-respect des décisions du haut représentant, qui avait permis au parquet d’inculper le dirigeant politique. Selon Milorad Dodik, M. Schmidt « n’a pas le droit de modifier les lois par ses décisions ».
Le dirigeant serbe conteste la légitimité de l’ancien ministre allemand depuis sa prise de fonctions en Bosnie en 2021. Il l’a répété à la Cour. Pour lui, Christian Schmidt « n’a pas été légalement élu » car sa nomination par le Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC) en Bosnie n’a pas été validée par le Conseil de sécurité de l’ONU, comme celles de ses prédécesseurs.
Prévu par l’accord de paix de Dayton, qui a mis fin à la guerre en Bosnie (1992-1995), le poste de haut représentant a été doté fin 1997 de pouvoirs discrétionnaires lors d’une conférence internationale. Ces outils devaient lui permettre de « prendre des décisions contraignantes » et des « mesures provisoires », voire de limoger des élus qui s’opposaient à la réunification du pays après le conflit qui a fait près de 100 000 morts.
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Milorad Dodik estime que ces temps ont évolué et il réclame depuis des années la suppression de cette fonction.
Ces derniers jours, il avait menacé d’annuler unilatéralement, en cas de condamnation, les réformes adoptées pendant des années pour renforcer l’Etat central. Puis, dans une « deuxième phase », de proposer à la Serbie de bâtir une « confédération » avec l’entité serbe de Bosnie.
« La Bosnie-Herzégovine n’est pas négociable », avait pour sa part déclaré mardi M. Schmidt devant la presse. « Soyez assurés que la communauté internationale reste vigilante [et] fermement engagée en faveur de la paix et de la stabilité dans cette région », a-t-il ajouté.