Michel Aglietta, mort jeudi 24 avril, à l’âge de 87 ans, faisait partie de ces économistes, si rares, qui développent une pensée systémique pour décrypter et dévoiler, au sens premier du terme, les ressorts profonds des transformations structurelles de nos économies. Né en 1938, formé à l’Ecole polytechnique, administrateur de l’Insee à partir de 1965 avec un intermède de deux ans à Harvard, doctorant de Raymond Barre à la Sorbonne, Michel Aglietta a 38 ans quand paraît, en 1976, Régulation et crise du capitalisme (éditions Calmann-Lévy). Cet ouvrage fait de lui un des cofondateurs, avec Robert Boyer, de la théorie de la régulation, c’est-à-dire d’une méthode scientifique plantant ses racines dans toutes les formes d’économie, l’histoire et les sciences sociales pour analyser les dynamiques du capitalisme, ses spécificités nationales, ses crises et ses mutations.
Michel Aglietta était un bâtisseur ou plutôt, pour citer sa vision de l’enseignement, un « jardinier », de ceux qui laissaient chacun trouver et cultiver sa voix. En 2016, dans son discours de réception de la Légion d’honneur, il nous rappelait combien cette attitude était consciente. Pour lui, enseigner, « c’est aider les jeunes à développer leurs ressources internes de créativité qui leur permettront de conduire leurs projets de vie [en faisant] prendre forme aux idées qu’ils portent, guider si on le peut la recherche des réponses à leurs interrogations et surtout ne pas imposer des vues sous le prétexte de l’autorité du savoir ». Il fut, en ce domaine, un jardinier à la main particulièrement verte, comme directeur de près de 50 thèses, comme membre de jury ou professeur, et auprès de ceux qui l’ont lu. Son demi-siècle de vie en économiste a rendu féconds beaucoup d’entre nous.
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