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Le volet le plus sensible du projet de loi pour la « refondation » de Mayotte, cinq mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, a été approuvé, mardi 20 mai, par le Sénat. Les sénateurs ont voté plusieurs mesures gouvernementales visant à lutter contre l’immigration irrégulière dans le 101e département français, le plus pauvre d’entre eux.

« La lutte contre l’immigration clandestine doit être une priorité. C’est une réalité du territoire, et vous ne trouverez aucun Mahorais pour le contester », a lancé, devant les sénateurs, le ministre des outre-mer, Manuel Valls.

Depuis des années, le territoire ultramarin fait face à l’afflux massif d’immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines. Une enquête de l’Insee menée en 2016 estimait que « près de la moitié des habitants » de Mayotte étaient des étrangers, et que la moitié d’entre eux étaient alors en situation irrégulière.

Le gouvernement a intégré de nombreuses mesures, souvent dérogatoires et spécifiques à Mayotte, dans le projet de loi-programme pour « refonder » l’archipel. Toutes ont été adoptées par les sénateurs, dominés par une alliance droite centristes, malgré l’hostilité de l’ensemble de la gauche.

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Sur les conditions d’accès au séjour, les sénateurs ont ainsi accepté d’imposer aux étrangers la détention préalable d’un « visa de long séjour » pour obtenir certaines cartes de séjour temporaire, ou encore d’étendre la durée de résidence régulière exigée pour obtenir une carte de résident « parent d’enfant français ». La centralisation des reconnaissances de paternité à Mamoudzou et l’augmentation des peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité ont également été approuvées, dans le but de « réduire l’attractivité de Mayotte ».

Les parents pénalisés par le comportement de leurs enfants

Mesures plus contestées encore : la création de « lieux spécialement adaptés » à la rétention de familles accompagnées de mineurs, et surtout la possibilité inédite de retirer des titres de séjour aux parents d’enfants considérés comme menaçant l’ordre public, y compris lorsque la défaillance des parents compromet la « moralité » ou « l’éducation » de leur enfant.

Cette réforme, bien que très encadrée, a fait bondir la gauche, qui fustige un mécanisme « sans précédent aucun » car il pénaliserait les parents pour le comportement de leurs enfants. « Nous sommes en train, progressivement, de faire rentrer dans le droit, via la brèche de Mayotte, des dispositions en violation totale des principes fondamentaux », s’est alarmée l’écologiste Mélanie Vogel. « On cherche tout simplement la responsabilisation des parents vis-à-vis de ces mineurs délinquants », a rétorqué la corapporteure Agnès Canayer (Les Républicains), soulignant la « situation exceptionnelle » de l’île.

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A l’initiative de la droite, les sénateurs ont par ailleurs durci les conditions du regroupement familial en l’interdisant lorsque l’étranger occupe « sans droit ni titre », ou que son logement relève de l’habitat informel.

Les « visas territorialisés » maintenus

Sans surprise, les débats ont débordé sur l’une des revendications principales des élus de l’archipel : la fin des « visas territorialisés », ces titres de séjour spécifiques qui empêchent leurs détenteurs de venir dans l’Hexagone ou à La Réunion voisine. Mesure qui permettrait, selon ses défenseurs, de « désengorger » hôpitaux et écoles, mais que le Sénat n’a pas souhaité adopter, en accord avec le gouvernement, face au risque avancé de renforcer l’hypothèse d’un « appel d’air » migratoire.

Sur un autre volet, un article pour faciliter les expropriations en vue d’accélérer la reconstruction, décrié par les élus locaux et notamment les sénateurs de Mayotte, a tout de même été adopté.

Ce projet de loi, qui comporte de nombreuses autres mesures sur les champs social, économique, foncier et institutionnel, sera mis au vote dans son ensemble le mardi 27 mai au Sénat. Il devra ensuite passer devant l’Assemblée nationale et être voté par les députés.

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Le Monde avec AFP

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