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FRANCE 5 – VENDREDI 21 FÉVRIER À 22 H 55 – DOCUMENTAIRE

Faites le test et interrogez vos proches : « Savez-vous qui est François Mauriac ? » Invariablement reviendront les qualificatifs d’« écrivain catholique », « gaulliste », l’auteur de Thérèse Desqueyroux (Grasset, 1927), du Nœud de vipères (Grasset, 1932) et du Sagouin (La Table Ronde, 1951). Les plus érudits citeront le fameux Bloc-Notes (1952-1970) qui, pour mémoire, fut publié successivement dans une revue, La Table ronde, un magazine naissant, L’Express, avant de s’achever dans un quotidien conservateur, Le Figaro.

Avant de vous en tenir à ces quelques repères biographiques sur le Prix Nobel de littérature 1952, une suggestion : regardez François Mauriac, Mémoires intimes, un passionnant documentaire réalisé par Virginie Linhart, diffusé vendredi 21 février sur France 5.

Vous y entendrez François Mauriac expliquer de sa voix blessée que « [ses] romans sont une réaction violente d’un jeune individu contre son milieu et sa classe ». Lui que la religion « gênait aux entournures » était détenteur d’un secret de Polichinelle : issu d’une famille catholique ultraconservatrice de la bourgeoisie bordelaise du côté de sa mère – dans sa famille, un pot de chambre était désigné sous l’appellation de « Zola », en référence à l’auteur de « J’accuse » −, il avait des penchants homosexuels.

« Tentations inavouables »

Ainsi que le note Virginie Linhart, « chrétien fervent, il ne cessera d’être écartelé entre une vie familiale conforme à sa pratique religieuse et des tentations qu’il qualifiait lui-même d’inavouables ». D’ailleurs, après avoir lu Le Désert de l’amour (Grasset, 1925), Roger Martin du Gard lui adressa ce petit mot : « Je rigole, mon cher Mauriac, quand on fait de vous un écrivain du catholicisme. » Quant à Mauriac, paraphrasant Flaubert à propos de Madame Bovary, il clamait : « Thérèse Desqueyroux, c’est moi ! »

Pour évoquer le Mauriac intime, outre de nombreux documents d’archives, Virginie Linhart a eu accès aux albums de la famille. Elle a interrogé plusieurs petits-enfants de l’écrivain, ainsi que Jean-Luc Barré, auteur de François Mauriac : biographie intime, 1885-1940 (Poche, 2015). Sans oublier le critique et écrivain Philippe Lançon pour qui le parcours de Mauriac est « unique ».

Par atavisme familial, il aurait dû se ranger dans le camp des anti-dreyfusards − « petit garçon, confiait-il, j’étais antisémite ». Il n’en fut finalement rien, tout au contraire. Franco se dressait comme un soldat de Dieu et de l’Eglise ? Le catholique qu’il était aurait dû le soutenir. Il préféra, après le massacre de Guernica en 1937, rallier la cause de la République espagnole. Pendant la seconde guerre mondiale, tout en approuvant ardemment l’action de De Gaulle, il publia sous le nom de « Forez » un écrit clandestin, Le Cahier noir (éditions de Minuit, 1943), qui lui valut d’être violemment attaqué par des feuilles collaborationnistes comme Je suis partout.

Inclassable et anticonformiste

Dans son Bloc-Notes, dès 1952, il apporte son soutien à la politique décoloniale de Pierre Mendès-France, dénonce la répression sanglante des manifestations indépendantistes au Maroc, avant, le 2 novembre 1954, d’écrire ceci à propos du commencement de la guerre d’Algérie : « Coûte que coûte, il faut empêcher la police de torturer. » On sait ce qu’il advint. Il résumait ainsi la situation dans laquelle il s’était trouvé : « J’étais à droite par ma naissance (…). Il a fallu des secousses très fortes pour être précipité de l’autre côté. »

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Toujours, Mauriac choisit le camp des humiliés. Inclassable, anticonformiste, il fut la liberté de parole incarnée. Quand il admirait, il admirait vraiment, profondément. Ainsi dans son Bloc-Notes, à la date du vendredi 13 janvier 1967 : « C’est après de Gaulle qu’on reconnaîtra ses vrais fidèles, s’il s’en trouve. Tous ces généraux d’Alexandre, chacun compose sa propre histoire. Ce qui intéresse Giscard, c’est d’Estaing. Ce qui intéresse d’Estaing, c’est Giscard. Il n’en peut être autrement. Le miracle ne se renouvellera pas de l’homme qui n’a pas de destin séparé de celui de la France, qui peut dire, comme François Ier, qu’il est la fortune de la France ». Le style de Mauriac, inimitable.

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Après l’avoir entendu, de sa voix si particulière, confier que le ruisseau de la Hure, près de Saint-Symphorien (Gironde), fut son « inspirateur le plus secret, le plus direct »« il m’a donné, disait-il, le sentiment de l’immensité du monde » −, vous n’aurez plus qu’une envie : vous jeter à corps perdu dans l’œuvre de ce grand écrivain qui fut aussi un immense journaliste et un redoutable polémiste.

Mauriac, Mémoires intimes, documentaire écrit et réalisé par Virginie Linhart (Fr. 2024, 52 min).

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