« A défaut d’en constituer la clé de voûte, Matignon est bien le centre névralgique de notre système institutionnel », affirme Eric Thiers, haut fonctionnaire et conseiller spécial du premier ministre, François Bayrou, dans la préface de la revue Pouvoirs. Consacré aux prérogatives et à l’influence du chef de gouvernement sous la Ve République, le numéro du premier semestre 2025 propose, en ces temps d’instabilité gouvernementale et de doute des citoyens, plusieurs éclairages indispensables sur le fonctionnement de notre régime semi-présidentiel.
Sur plus d’une centaine de pages, une dizaine d’universitaires et de spécialistes des arcanes gouvernementales décortiquent les multiples facettes du pouvoir confié au premier ministre, qui déborde bien souvent le cadre constitutionnel. Dans un article consacré aux relations entre l’Elysée et Matignon, Delphine Dulong, professeure de science politique à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, souligne que ces deux institutions « interdépendantes » sont « condamnées à travailler de conserve » et que cette « dyarchie » est à la source de la « dérive présidentialiste du régime ».
Espaces d’influence
Pour Christophe Le Digol, maître de conférences en science politique à l’université Paris-Nanterre, le locataire de Matignon n’est pas aussi puissant que certains voudraient le croire. S’il détient « un capital politique important », souligne-t-il, ce capital jamais « ne va de soi ». « Le premier ministre, analyse-t-il, est une institution certes faiblement codifiée, mais dont l’autorité et les marges de jeu sont avant tout définies par ses rapports avec les autres institutions de la Ve République. »
La revue s’aventure également dans des espaces d’influence moins connus, mais tout aussi stratégiques pour le locataire de Matignon. Elle s’intéresse ainsi au pouvoir administratif et normatif du premier ministre, qui concourt à son autonomie, mais aussi à ses liens informels avec le Conseil constitutionnel. « Le premier ministre embrasse, par l’intermédiaire du secrétariat général du gouvernement, la vocation de défenseur de la loi et, ce faisant, devient l’interlocuteur privilégié des Sages », écrit Charles-Edouard Sénac, professeur de droit public à l’université de Bordeaux.
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