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Lui qui professe « vivre d’aventure », dans son livre éponyme (Flammarion, 2023) vient peut-être de vivre la plus belle de sa carrière. A 36 ans, l’ultra-traileur Mathieu Blanchard a remporté, vendredi 18 octobre, le Grand Raid de la Réunion, l’une des épreuves les plus mythiques de la discipline. L’athlète français a franchi le premier la ligne d’arrivée à Saint-Denis-la-Réunion, au terme de 23 h 25 d’efforts sur la « Diagonale des fous », autre nom de cet ultra-trail qui transperce l’île de l’océan Indien et ses massifs montagneux du Sud au Nord.

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Moins de deux mois plus tôt, difficile d’imaginer que le traileur établi aux Deux-Alpes (Isère) lèverait les bras vendredi revêtu du maillot « officiel » de l’épreuve réunionnaise – le règlement l’impose – au terme de 175,3 km et plus de 10 000 mètres de dénivelé positif. Fin août, Mathieu Blanchard avait dû jeter l’éponge lors de l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB), course-reine de son sport dont il a par deux fois occupé le podium (3e en 2021 et 2e l’année suivante), victimes de grosses douleurs à un tendon d’Achille. « J’ai une blessure qui traîne depuis environ trois ans, elle est en dents de scie : parfois je n’ai pas mal, parfois j’ai des pics de douleur, c’est ce qui m’est arrivé cette année sur l’UTMB », a expliqué le coureur en conférence de presse avant le Grand Raid. Elle l’aura épargné pour sa découverte de la Diagonale des fous, qu’il boucle avec près d’une demi-heure d’avance sur son premier poursuivant, le Suisse Jean-Philippe Tschumi, qui l’a longtemps accompagné.

« Déjà de pouvoir participer à la course et la finir, c’était un énorme rêve, mais de la gagner, c’est inespéré, s’est réjoui Mathieu Blanchard, au micro de Réunion La 1ère, les jambes encore enduites de la boue de la Réunion après sa victoire. C’est difficile de réussir à performer sur une première participation à une course d’une telle ampleur. »

Après s’être parfois éparpillé sur de nombreuses épreuves en une même saison, celui qui a vécu près de dix ans au Canada avait coché le Grand Raid de la Réunion à son calendrier, avec la ferme intention de découvrir cet ultra-trail parmi les plus exigeants du circuit. Courue en fin de saison, l’épreuve sillonne les massifs de l’île – comme le cirque de Mafate – et leurs interminables escaliers, et cisaille les organismes. « Cette année je mets plus de cœur dans la Diagonale. Je veux faire une belle course et vivre un grand moment avec la communauté réunionnaise », exposait-il fin août dans L’Equipe, assumant de n’avoir pas fait de l’UTMB son principal objectif de l’année.

Les joues barrées par la terre de la Réunion

« Comme c’est ma première participation, je souhaite à tout prix terminer cette course en prenant mes repères, cela ne veut pas dire que je vais me balader. Je vais rester ultra-compétitif… », avait averti Mathieu Blanchard à la veille de la course. Car s’il connaît bien les sentiers de la Réunion, l’athlète de la team Salomon n’avait jusqu’alors jamais pris de départ de sa plus célèbre course. Inscrit en 2019, quand il n’avait pas encore fait irruption au sommet de la discipline, il avait rendu son dossard quelques jours avant l’épreuve pour aller participer au jeu télévisé Koh-Lanta, dans l’archipel des Fidji. Un autre type d’épreuve, qui lui a valu une popularité certaine et – au début – le regard en coin de certains ultra-traileurs, guère enchantés de voir débouler une figure de la télé, adepte des réseaux sociaux, dans leurs montagnes.

Mais les performances répétées du natif de Cavaillon (Vaucluse) lui ont rapidement fait gagner ses galons parmi l’élite de l’ultra-trail. Deuxième de l’UTMB 2022 (en moins de 20 heures), derrière le phénomène catalan Kilian Jornet, le Français – professionnel depuis 2021 – a choisi, l’an passé de changer drastiquement son approche de son sport. Désormais établi dans la station des Deux-Alpes (contre Montréal précédemment), il a réduit ses déplacements lointains, et ses réponses aux nombreuses sollicitations. Une adaptation payante, vu sa performance sur la Diagonale des fous 2024.

« Cette année, le côté performance ne sera pas ma priorité », avertissait pourtant le coureur français à la veille de la course. Vacciné par son échec à l’UTMB et sa préparation quelque peu hachée, il entendait ainsi « ne pas [se] mettre trop la pression ». Mais le très compétiteur Mathieu Blanchard confessait aussi « qu’aujourd’hui, à la veille de la Diagonale des Fous, je n’ai jamais eu aussi peu de douleurs dans mon corps. » Vainqueur vendredi de l’un des quatre monuments de l’ultra-trail (avec l’UTMB et les courses américaines de la Hardrock 100 et de la Western State), même en l’absence de certains des grands concurrents internationaux, Mathieu Blanchard a célébré, à peine la ligne passée, en marquant ses joues avec la terre de la Réunion qu’il a arpentée depuis plus de vingt heures. « Il suffit de regarder mes jambes et mes chaussures, a-t-il souri. J’ai vécu une énorme aventure. »

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