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La justice allemande a condamné, lundi 14 octobre, à dix ans de prison un ancien agent de la Stasi, la police politique de la République démocratique allemande (RDA, communiste), pour le meurtre d’un Polonais qui voulait fuir à l’ouest il y a cinquante ans.

Le tribunal de Berlin a « la conviction indubitable » que Martin Naumann, 80 ans, est l’auteur des tirs qui ont tué Czeslaw Kukuczka, âgé de 38 ans, alors qu’il tentait de s’enfuir par le poste frontière de Friedrichstrasse, à Berlin, en 1974, a déclaré le président du tribunal, Bernd Miczajka.

Même si le tireur, âgé de 31 ans au moment des faits, n’a pas agi « par motif personnel », il a « exécuté sans pitié » un acte « planifié par la Stasi », la redoutable police secrète est-allemande durant la guerre froide, a détaillé le juge. Le parquet allemand avait requis douze ans de prison contre l’ancien lieutenant, aujourd’hui retraité.

L’intéressé a rejeté l’accusation par la voix de ses avocats, qui demandaient son acquittement, jugeant insuffisantes les preuves selon lesquelles il a été le tireur. M. Naumann ne s’est jamais exprimé devant les juges.

Valeur historique

Selon une responsable des archives de la police secrète à Berlin, Daniela Münkel, il devient avec le verdict rendu lundi le premier ancien agent de la police secrète de l’ancienne Allemagne de l’Est à être reconnu coupable de meurtre.

Ce procès, enregistré en raison de sa valeur historique, a replongé depuis son lancement en mars le pays au temps de la guerre froide, période durant laquelle l’Allemagne fut scindée en deux par le rideau de fer entre République fédérale d’Allemagne (RFA), à l’ouest, et RDA, à l’est. Il est l’aboutissement de décennies d’enquête laborieuse, parfois abandonnée puis rouverte, également côté polonais.

Il n’a été rendu possible que par l’apparition de nouvelles informations trouvées par deux historiens allemand et polonais dans les archives de la Stasi en 2016, liant M. Naumann à la mort du fugitif, et la découverte de nouveaux témoins potentiels.

Czeslaw Kukuczka, qui rêvait d’une vie dans le « monde libre », est l’une des 140 personnes au moins qui ont trouvé la mort entre 1961 et 1989 en voulant franchir le mur de Berlin. Le 29 mars 1974, il fait irruption à l’ambassade polonaise de l’ancien Berlin-Est avec une fausse bombe pour forcer son départ vers l’Ouest.

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Alertée par la Pologne, la police secrète allemande lui fait alors croire que sa sortie a été acceptée. Mais au moment où l’homme pense avoir réussi sa fuite après avoir franchi deux contrôles sans encombre, l’agent Naumann l’abat, un acte qui lui a valu plus tard d’être décoré.

« Dernier maillon d’une chaîne de commandement »

Employé d’une entreprise du BTP, Czeslaw Kukuczka avait trois enfants, qui se sont constitués partie civile mais n’ont pas assisté au procès. L’avocat de sa fille, Hans-Jürgen Förster, qui considère l’accusé comme « le dernier maillon d’une chaîne de commandement », a déposé une requête pour que l’enquête soit élargie à toutes les personnes décorées par le régime pour la mort de M. Kukuczka.

Au cours des années 1990, 251 personnes au total ont été accusées de crimes commis pour le compte de la Stasi, selon les archives du gouvernement. Les deux tiers d’entre elles, dont de nombreux exécutants, tels que les gardes-frontières, ont été acquittés ou les poursuites à leur encontre abandonnées, la plupart du temps pour faute de preuve ou absence de témoignages.

Seules 87 ont été condamnées, la plupart à des peines légères. Même Erich Mielke lui-même n’avait pu être condamné pour ses activités à la tête de la Stasi de 1957 à 1989, faute de charges suffisantes. Il s’était toutefois vu infliger six ans de prison le 26 octobre 1993 pour le meurtre de deux policiers en 1931 quand il était un jeune militant communiste.

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Le Monde avec AFP

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