Mark Zuckerberg a tout fait pour l’éviter, en vain. Le procès de Meta, la maison mère de Facebook accusée d’avoir acheté Instagram et WhatsApp pour étouffer des concurrents potentiels, s’est ouvert lundi 14 avril à Washington.
Le milliardaire a été appelé à la barre en premier, pour une audition de trois heures centrée sur les débuts de Facebook, et il sera à nouveau entendu mardi. Ses avocats vont essayer de montrer que les deux services ne sont devenus des applications incontournables que grâce aux investissements de son groupe.
L’affaire arrive au tribunal cinq ans après la plainte déposée sous le premier gouvernement Trump. Si le géant des réseaux sociaux perd, il pourrait être forcé de se séparer de ses deux plateformes phares. L’agence de protection des consommateurs, la Federal Trade Commission (FTC), estime que Meta, alors Facebook, a abusé de sa position dominante lors du rachat d’Instagram en 2012, pour un milliard de dollars (883 millions d’euros), et de WhatsApp en 2014, pour 19 milliards.
Meta « a décidé que la concurrence était trop rude et que ce serait plus facile d’acheter ses rivaux plutôt que d’être en concurrence avec eux », a défendu dans son propos introductif le représentant de l’autorité, Daniel Matheson, dans une salle d’audience très garnie. Il s’agissait pour Meta « d’éliminer des menaces immédiates », a-t-il insisté. « Des acquisitions » engagées avec la volonté « de faire grandir et d’améliorer les entreprises rachetées n’ont jamais été illégales », lui a répondu l’avocat de Meta, Mark Hansen, en décrivant les deux opérations comme « des réussites » pour les consommateurs.
Question de catégorie
Le procès va durer huit semaines et va notamment se jouer sur la définition du marché concerné. Pour l’autorité américaine, les services de Meta relèvent des « réseaux sociaux personnels », qui permettent de rester en contact avec la famille et les amis ; les autres grandes plateformes telles que les très populaires TikTok et YouTube n’appartiennent pas à la même catégorie.
Une perspective que la firme de Menlo Park (Silicon Valley) rejette. Faciliter les relations amicales et familiales, « cela fait définitivement partie de ce que nous faisons, mais cette activité n’a pas vraiment progressé par rapport à d’autres aspects », a souligné Mark Zuckerberg devant le tribunal. Les connexions avec les proches « représentent une part de moins en moins grande de notre organisation », a ajouté le fondateur du groupe californien. La défense de Meta va insister au cours du procès sur la compétition entre ses applications et leurs concurrentes, qui innovent et ajoutent régulièrement des fonctionnalités pour « gagner en minutes d’attention des utilisateurs ».
La plainte contre le groupe de Menlo Park (Californie) est l’une des cinq grandes actions antitrust lancées ces dernières années par le gouvernement américain dans le secteur des technologies. Google a été reconnu coupable d’abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne en août dernier, tandis qu’Apple et Amazon font également l’objet de poursuites.
« Vraiment effrayant »
Mark Zuckerberg a été longuement questionné sur ses inquiétudes face à la montée en puissance d’Instagram dès sa création, alors que Facebook peinait à développer son propre projet d’application photo – qui ne verra finalement jamais le jour.
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La FTC a mis en avant des courriels internes datés de 2011 et 2012, avant le rachat de la start-up. « L’impact potentiel d’Instagram est vraiment effrayant et c’est pourquoi nous devrions envisager de payer beaucoup d’argent », avait ainsi écrit le fondateur de Facebook. Instagram compte aujourd’hui deux milliards d’utilisateurs à travers le monde. Un succès que les avocats de Meta attribuent aux investissements substantiels du groupe.
La FTC va chercher à démontrer que le monopole de Meta sur le marché des « réseaux sociaux personnels » se traduit par un usage dégradé pour les usagers, contraints de tolérer trop de publicités et de changements abrupts. Si elle a gagné son action antitrust contre Google l’été dernier, l’agence a subi plusieurs revers devant les tribunaux. Elle n’a pu empêcher l’acquisition de Within par Meta et celle d’Activision Blizzard par Microsoft. Le juge James Boasberg, qui tranchera le cas de Meta, a déjà prévenu que l’autorité « va faire face à des questions difficiles sur la capacité de ses accusations à tenir la route devant la cour ».