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Histoires Web dimanche, mars 16
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Barbara Mazuer s’est d’abord cachée derrière son pseudo. La nuit venue, cette bientôt trentenaire endosse le costume et l’identité de « Mademoiselle Marie-Babette ». « Quand on fait partie de la communauté LGBT+, c’est lorsque la société construite et fermée s’endort qu’on peut s’amuser et que tout le monde se révèle. On s’est toujours retrouvés la nuit, quand plus personne ne nous regarde. Ce sont des vies encore très complexes, alors on éprouve le besoin de lâcher prise et de se réunir. »

Rapidement surnommée « l’impératrice », elle apparaît d’abord sur les réseaux sociaux ou sur scène vêtue en animal, comme sortie des sous-bois. « Mademoiselle Marie-Babette est alors une chimère venue d’ailleurs pour remettre de l’ordre sur terre. Elle n’est pas facilement repérable, c’est un caméléon. » Puis, au fil du temps, la dame se mue en grande bourgeoise : « J’ai lissé mon image pour mieux infiltrer certains milieux et les déconstruire de l’intérieur. »

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Originaire d’Avignon, Barbara Mazuer a posé ses valises à Rennes à la sortie du confinement. « Le Covid-19 a déclenché en moi un besoin urgent d’expression, de faire valoir certains sujets et de monter sur scène. » Pendant un an, elle façonne son alter ego, apprend à se maquiller et à inventer le monde, la pensée et l’apparence de sa nouvelle extension. Marie-Babette sera créature, criera haut et fort, et ira là où Barbara s’est fatiguée à parler. « Mon personnage [de grande bourgeoise] fait référence à mon passé. Je viens d’un milieu de droite, homophobe et raciste. Par le drag, je me suis retrouvée et acceptée. J’ai créé une représentation que je n’ai pas eue. »

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Le pari de Barbara : sortir le drag des lieux estampillés queer. C’est ainsi que Marie-Babette se retrouve, en 2024, à débattre lors des 50 ans du Club de la presse et à participer aux Jeux de Bretagne à Nantes. « Une idée que j’ai eue récemment, c’est de me balader dans les marchés des campagnes bretonnes en drag en plein jour et de voir les réactions. Ça me fait hyper peur, il y a une notion de danger, on ne sait pas comment les gens vont réagir, mais ça peut être intéressant pour ouvrir le dialogue. »

« Pas là pour éduquer »

Mais Barbara, en son for intérieur, bouillonne de se voir réduite à une communauté LGBT + trop souvent « marginalisée ». « J’ai envie moi aussi de faire partie de l’ensemble de la société, de la masse et que mon orientation ne soit pas toute mon identité, confie-t-elle. Nos vies sont des luttes, prenez-nous au sérieux. On n’est pas stupides, on a des choses à dire. Notre prisme compte. »

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Et sa solution, c’est de se montrer, de montrer que le drag existe, qu’il n’est pas décadent. « Les Jeux de Bretagne, c’est assez fort, car tu te retrouves en plein centre de Nantes, en pleine journée, à performer devant un public qui souvent ne sait pas ce qu’il se passe. » Pour Barbara, la première fonction du drag n’est pas d’éduquer, mais d’être. « Je commence à avoir un souci à devoir éduquer les gens, on n’est pas là pour éduquer. Tout ce qu’on demande, c’est la paix, tout comme nous, on vous laisse faire votre vie bien rangée. La liberté est pour tout le monde. »

Ses projets ? « Créer un cabaret qui permettrait de montrer aux gens que c’est possible de révolutionner la société. Par le biais du vivre-ensemble, de l’autogestion et d’une vie remplie d’art et de culture. »

Cet article a été réalisé, dans le cadre d’un partenariat avec les Champs libres et Rennes Métropole, par des étudiants de Sciences Po Rennes, à l’occasion de la quatrième édition du festival Nos futurs, qui se déroule du 21 au 23 mars aux Champs libres et dont Le Monde est partenaire.

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